Un nouveau bain de foule a été offert hier au Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, à Saïda cette fois. Les observateurs ne s'y sont pas trompés, qui ont vu dans la visite à Saïda et, la veille, au Akkar, le pendant sunnite de la visite triomphale réservée par la communauté chiite au président iranien Mahmoud Ahmadinejad.
Il y a certainement de ça, quoi qu'en dise l'intéressé lui-même, et Saad Hariri n'a pas manqué d'exploiter au profit de sa popularité, et surtout de sa position, les deux journées d'Erdogan.
Pourtant, il ne fait pas de doute que cette visite s'inscrit dans le cadre des efforts régionaux destinés à prévenir une explosion de violence, ou une discorde, après la publication par le TSL de l'acte d'accusation dans l'affaire de l'assassinat de Rafic Hariri (2005).
Le Watan syrien s'est mis de la partie, hier, en confirmant que la publication de ce document, compromettant pour certains éléments du Hezbollah, est pour la mi-décembre. L'officieux syrien, citant des sources bien informées, affirme que la visite d'Erdogan est « certainement liée aux efforts en cours pour préserver la stabilité du Liban ».
Du reste, le Premier ministre turc lui-même ne s'en cache pas et a affirmé avoir pris contact avec le président syrien, avant de venir au Liban.
Pour sa part, rapportant la teneur de la visite d'Erdogan à Aïn el-Tineh, mercredi, M. Ali Hamdane, conseiller du président de la Chambre, Nabih Berry, a situé cette visite dans le même cadre que celles que le roi Abdallah et le président Bachar el-Assad ont effectuées, et reflètent « un souci régional » pour la stabilité du Liban.
Dans quelle mesure ces efforts sont certains d'aboutir, il est trop tôt pour le dire. Les observateurs comptent notamment sur les échéances successives prévues, pour lever les équivoques, qui subsistent. Ils comptent, dans l'immédiat, sur la prochaine visite de M. Hariri en Iran (samedi et dimanche) et sur les efforts du Qatar, où se trouvait hier Sleimane Frangié, et dont le Premier ministre a visité il y a quelques jours le Liban.
Pourtant, comme dit le proverbe, il ne faut pas se fier à l'eau qui dort. En l'absence d'un progrès, ou d'une formule de compromis au sujet du TSL et de l'affaire dite des faux témoins, la tension va certainement remonter, estiment beaucoup d'observateurs, parmi lesquels figure l'ancien député Moustapha Allouche, pour lequel « sauf miracle », un affrontement militaire au Liban, « et peut-être aussi régional », est inévitable, pour régler ce qu'il considère être comme le problème fondamental : les armes du Hezbollah.
Pour sortir de l'immobilisme, le chef de l'État devrait se réunir, la semaine prochaine, avec le président de la Chambre et le Premier ministre, « pour aviser ».
Si la classe politique libanaise est en général moins alarmiste qu'un Moustapha Allouche, c'est qu'elle sait qu'un putsch du Hezbollah est moins aisé - politiquement - qu'il n'y paraît, même si ce parti a les moyens militaires de prendre le contrôle de certaines régions.
D'une part, en effet, la sécurité au Liban est placée sous le double parrainage de la Syrie et de l'Arabie saoudite, et aucun bouleversement du statu quo établi par cette alliance, qui dépasse le cadre libanais et comprend, en particulier, l'Irak, n'est envisageable à l'heure actuelle.
D'autre part, il semble qu'un coup de force du Hezbollah conduirait immanquablement à un affrontement avec l'armée, ce qui ruinerait définitivement sa doctrine militaire, qui repose sur une collaboration étroite avec cette institution. Du reste, le commandement militaire a publié un communiqué affirmant qu'il s'opposera à toute sédition interne, estimant que son coût sera moins élevé que celui de la discorde.
Il s'agit là, en tout cas, d'un pari sur lequel mise le chef de l'État libanais, Michel Sleiman, qui s'est réuni, dernièrement à Damas, avec le président Bachar el-Assad, et qui reçoit ces jours-ci à Beyrouth le fils du roi Abdallah, le prince Abdel Aziz ben Abdallah, habitué aussi du palais présidentiel syrien.
Reste la possibilité de ce que l'opposition considère comme des mouvements de masse « pacifiques » qui entraîneraient la paralysie du centre et de certaines administrations névralgiques, et qu'elle pourrait utiliser à nouveau pour faire pression sur le gouvernement.
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