The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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October 7, 2014

L'orient le jour - Pour l’Adha, des volontaires offrent une parenthèse festive à des réfugiés syriens de la Békaa, October 07, 2014



Nour Braïdy




Pour l'occasion, adultes et enfants portent leurs plus beaux vêtements. Une double occasion en fait, l'Aïd el-Adha et la visite d'un groupe de volontaires qui viennent cuisiner pour eux un repas de fête. Une petite parenthèse dans le quotidien pas facile du camp Abou Fares, un camp de réfugiés syriens à Tal Sarhoun, à 10 minutes de Zahlé dans la Békaa.
L'opération a commencé samedi matin à Beyrouth, dans le quartier de Hamra. Dans le restaurant Mezyan, Michel Chaptini briefe une vingtaine de volontaires. C'est lui, jeune photographe libanais engagé, qui a organisé la journée en collaboration avec Mezyan. « Une fois dans le camp, nous commencerons rapidement à préparer le repas pour les 700 réfugiés. Je ne veux pas qu'ils fassent la queue, ils le font trop souvent », dit-il.
Une grosse heure plus tard, le convoi de voitures, dont les coffres sont chargés de deux tonnes de denrées pour ce déjeuner de fête mais aussi pour plus tard, arrive chez Walid, un Libanais dont la maison jouxte le camp improvisé et ses réfugiés qui viennent majoritairement de Deir el-Zor.
Walid, chauffeur pour une ONG internationale, est très heureux d'accueillir tout ce monde. C'est devant sa maison et dans son jardin que les volontaires vont cuisiner. Sa mère, son épouse et sa sœur mettent la main à la pâte. Autour de son domicile se trouvent, outre le camp Abou Fares, sept ou huit autres camps comptant au moins 300 réfugiés chacun, dit-il.
Avec plus de 1,1 million de réfugiés, le Liban accueille le plus grand nombre de réfugiés par habitant au monde. Une situation qui pèse sur sa sécurité, son économie, ses ressources, son environnement... Ces derniers jours, alors que la tension est vive dans la Békaa où se sont affrontés jihadistes – dont certains venus de Syrie – et armée libanaise ou combattants du Hezbollah, des ONG ont dénoncé un accroissement des mauvais traitements subis par certains réfugiés syriens au Liban. Dans ce contexte tendu, l'ONG Human Rights Watch a appelé, la semaine dernière, à mettre fin « à ces pratiques qui favorisent un climat de discrimination et de stéréotypes à l'égard des Syriens au Liban ».
Si Walid assure que la présence des réfugiés ne l'embête pas, il admet que, depuis l'arrivée des Syriens à Tal Sarhoun, la quantité de déchets produits ne cesse de croître et l'approvisionnement en électricité est de plus en plus faible. « Les Syriens sont nos voisins, les accueillir est un devoir humanitaire, je leur donne même de l'eau », dit-il à L'Orient-Le Jour.
Dans le jardin de Walid, Dima, chef principal à Mezyan, répartit les tâches. Elle-même est une réfugiée syrienne, elle a quitté Deir el-Zor il y a deux ans. « Quand on m'a parlé de ce projet, j'ai senti la pression monter, confie-t-elle. C'est la première fois que je viens dans un camp ! » La jeune chef de 29 ans a choisi de faire de la frikeh parce que « c'est bon et qu'il s'agit du plat le plus simple à cuisiner pour autant de monde ».
Pendant que Dima met les poulets à tremper dans de l'eau salée, un groupe de volontaires coupe les concombres, un autre épluche les oignons... Les plus patients trient la frikeh. Ils sont rejoints par quelques réfugiés que Michel a réussi à convaincre de venir aider, alors qu'un groupe danse la dabké et que les autres font bien attention à ne pas salir leurs vêtements.
Le camp est une grande allée de part et d'autre de laquelle sont plantées des tentes, construites de bric et de broc. Certaines n'ont même pas de plancher, la plupart des habitants manquent de tout. Entre les tentes, des vêtements sèchent, des femmes chuchotent, des hommes boivent le thé. « Je pleure toute la journée, mes trois enfants sont morts en Syrie, une roquette s'est abattue sur eux », raconte une Syrienne aux yeux rougis. Une autre explique le manque de travail et donc de ressources, son amie les conditions de vie spartiates, la cuisine au feu de bois...
À l'entrée du camp Abou Fares, une tente grande, construite sur un sol en béton, sort du lot. C'est justement celle d'Abou Fares, le « chawich el-Arab », précise un enfant qui joue au guide. « Je loue cette terre pour 26 millions de livres libanaises (17 300 USD) par an. J'y accueille 125 familles, je contrôle tout, dit-il. Pour l'eau et l'électricité, je paie 70 000 LL (un peu moins de 50 USD) par mois, mais l'eau est trop sale et les enfants tombent malades. »
Pendant que les volontaires cuisinent, le copropriétaire de Mezyan, Mansour, 39 ans, garde un œil sur tout ce qui se passe. C'est son restaurant qui finance le projet de Michel Chaptini. « Je voulais faire quelque chose dans lequel s'engageraient nos clients libanais et étrangers qui vivent dans cette tension avec les Syriens », explique-t-il.
Mais des Libanais, il n'y en a pas beaucoup ce samedi à Tal Sarhoun, la majorité de ceux qui ont pris part à l'aventure étant des étrangers. À l'instar de Livia, Italienne, qui écoute les conseils d'une réfugiée pour trier plus rapidement la frikeh. Mariée à un Libanais originaire de la Békaa, elle a eu envie de venir aider, raconte-t-elle dans un arabe presque parfait.
Un peu plus loin, Bachar, un jeune réfugié syrien au regard rieur, tente d'imiter chef Dima. Il ne se souvient pas depuis quand il est dans ce camp, les jours qui passent se ressemblent trop. « La Syrie était belle, mais il n'y a plus rien maintenant à part Daech », dit l'enfant de 12 ans, en référence au groupe État islamique qui sévit en Syrie et en Irak.
Quatre heures plus tard, le camp passe à table. Chef Dima est soulagée d'avoir relevé le défi. « C'est ma famille », dit-elle en regardant le camp.
Les enfants sont les premiers servis, sous l'œil bienveillant de Frosy, une réfugiée d'une soixantaine d'années. Frosy a le mal du pays, mais en ce jour de fête elle est « très heureuse Hamdulillah » !
Jamal, 35 ans, un des rares volontaires libanais, regarde lui aussi les enfants avaler de grosses bouchées de frikeh. « Avec ce déjeuner, il ne s'agit pas de résoudre des problèmes ou de montrer qu'il n'y a pas de racisme. Aujourd'hui, c'est simplement jour de fête », dit-il.

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