Le Premier ministre Tammam Salam a réussi à tirer le plus grand bénéfice de la conférence sur le dossier des réfugiés syriens au Liban et dans les pays voisins, qui s'est tenue hier à Berlin. Devant les représentants de 28 États et dix organisations internationales, il est parvenu à fournir un descriptif précis de la gravité de la situation au Liban, provoquée par la présence des réfugiés syriens. Cette « prise de conscience » a abouti en outre à des résultats concrets.
D'abord, les États ont été convaincus de la nécessité d'une répartition du nombre de réfugiés entre les différents pays, situés ou non dans le voisinage libanais. La modalité de cette répartition doit être examinée lors d'une conférence internationale à Genève fixée hier au 9 décembre prochain.
Lors d'une conversation à bâtons rompus avec les journalistes, le Premier ministre a déclaré avoir « demandé à tous les pays de suivre l'exemple de l'Allemagne, qui accueille pour l'instant 55 mille réfugiés syriens, dont 20 mille en provenance du Liban ».
Une autre avancée qualitative a pu être accomplie hier, au niveau de l'organisation de l'aide aux réfugiés. Tous les États ont prêté une oreille attentive à l'appel du Premier ministre d'appuyer autant les réfugiés que la société d'accueil. Rien de nouveau à ce niveau, le souci de prendre en compte la société d'accueil ayant déjà intégré la méthode des organisations engagées dans l'aide aux réfugiés. Ce point a toutefois été renforcé hier par la décision de certains États de s'engager à aider le Liban au niveau d'un domaine précis (l'éducation, la santé, l'eau...). Cette spécification de l'aide devrait en optimiser les effets.
Une autre avancée doit être relevée : le don offert par la Suède, d'une valeur de 850 millions de dollars US, au fonds qui avait été créé pour le Liban par la Banque mondiale, à l'initiative du Groupe de soutien international. L'importance est dans la donation en soi, mais aussi dans ce qu'elle signifie : la demande adressée par la délégation libanaise d'activer ce fonds a été entendue.
Néanmoins, le Premier ministre a précisé, lors d'un point de presse, que « l'appui financier obtenu jusque-là de la Suède, et avant elle de la Norvège, de la Finlande et de la France, est loin de combler les besoins du Liban ». « Nous avons réclamé des aides de trois milliards de dollars US, dont un milliard en donation et deux milliards en garantie en vue d'obtenir des prêts éventuels pour combler les pertes de 7 milliards de dollars subies par le Liban », a-t-il rappelé, souhaitant que « cet appel soit pris en compte ».
En outre, les participants à la conférence de Berlin ont « pris connaissance de la décision ministérielle relative au mécanisme de gestion du dossier des réfugiés syriens ». Il s'agirait d'un appui tacite à ce mécanisme.
Steimeier
L'option d'établir des camps sécurisés pour les réfugiés sur le territoire syrien, sous la supervision de l'Onu, avec l'accord du régime syrien et de l'opposition, fait également partie des propositions avancées par la délégation libanaise, et qui ont été débattues en profondeur hier. Néanmoins, cette proposition ne peut être mise en œuvre sans un compromis politique. Les participants ne cachent pas leur scepticisme sur les chances d'obtenir un tel compromis.
Dans la matinée, préalablement à la tenue de la conférence sur le dossier des réfugiés syriens au Liban et dans les pays voisins, le Premier ministre s'est rendu au siège du ministère des Affaires étrangères, pour une réunion restreinte avec les représentants du Groupe international de soutien au Liban. Il a été reçu par le chef de la diplomatie allemande, Franz Steimeier, qui a souligné que « la conférence de Berlin a un but particulier, celui de modifier et d'élargir notre point de vue sur le dossier des réfugiés. C'est surtout vers la stabilité des sociétés d'accueil que nous devons nous tourner. Cette conférence permettra de déclarer notre solidarité avec les réfugiés, avec l'obligation pour ces derniers de déclarer leur solidarité avec les pays d'accueil, spécialement le Liban ».
Dans cet esprit, le discours de Tammam Salam s'est articulé sur deux idées-clés : l'autonomie du Liban dans sa lutte contre le terrorisme et sa capacité à remporter ce combat, comme l'auront démontré les récents accrochages à Tripoli ; la propension du Liban à pousser jusqu'au bout son engagement humanitaire pour les réfugiés, « au-delà même de ce qu'exigent les accords internationaux ».
Bassil
Si ces propos ont porté un effet persuasif certain, ils ont été appuyés par la virulence du discours du ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil, qui participait à la conférence de Berlin.
Il a exprimé « notre refus catégorique de toute forme d'intégration, directe ou indirecte, des réfugiés dans les sociétés d'accueil ». Il a également souligné que « le Liban n'est pas partie prenante à la convention de Genève relative au statut des réfugiés (1951) ». Les craintes du ministre Bassil d'un refus, de la part de la communauté internationale, de la fermeture des frontières aux Syriens, décidée par le Conseil des ministres, ont été apaisées. Cette mesure n'a été ni appuyée ni critiquée par le texte des résolutions finales.
L'on peut dire en somme que le statut quo relatif au dossier des réfugiés syriens a enfin été ébranlé, hier, à Berlin.
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