The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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January 20, 2010

L'Orient Le Jour - La lente adaptation des écoles et universités à l’accueil des personnes handicapées

Difficile pour les personnes handicapées de se mouvoir sans assistance dans les écoles et les universités. Mais les initiatives favorisant leur intégration ne manquent pas, fort heureusement.

La salle de classe de Jana, étudiante en littérature anglaise, est située au septième étage du bâtiment de la faculté des lettres de l'Université libanaise, section 1. Chaque fois qu'elle se rend en cours, depuis deux mois que l'ascenseur est abîmé, l'étudiante de 22 ans gravit les marches avec grande difficulté. Handicapée, la jeune femme ne peut compter que sur ses deux béquilles et sur l'aide de ses camarades. Un jour d'examen, alors que son chef de département ne lui avait pas laissé d'autre choix que d'escalader les sept étages, elle s'est arrêtée, épuisée au cinquième, exigeant d'y passer l'épreuve. Elle a eu gain de cause, mais c'en était trop. Excédée, la jeune femme est aujourd'hui décidée à porter plainte auprès du recteur de l'UL, Zouhair Chokr. Elle avoue son découragement, raconte son absentéisme, mais surtout les remarques désobligeantes de son directeur qui lui lance qu'elle n'est pas en Europe, que l'ascenseur pourrait rester abîmé deux ans, ou que ce n'est pas son problème. Le cas de Jana est révoltant. Car il montre la désinvolture du secteur public envers les personnes handicapées.

Reconstruction hors normes
C'est dès l'école que les handicapés sont victimes de discrimination. Sur 1 741 établissements scolaires sélectionnés comme bureaux de votes durant les dernières législatives, seulement 6 pouvaient être considérés comme favorisant l'intégration des handicapés, selon une étude menée par l'Union libanaise des handicapés physiques (ULHP). Les facteurs d'accessibilité pris en compte étant l'entrée du bâtiment, les pentes et rampes, les ascenseurs, les corridors, les salles de classe et les toilettes. « C'est une catastrophe », note la présidente de l'association, Sylvana Lakkis, précisant toutefois « qu'une centaine d'écoles publiques sont relativement équipées ». « Mais cela reste incomplet », dit-elle, déplorant notamment les pentes trop ardues, les toilettes installées trop loin, les portes et les corridors trop étroits. « L'association avait pourtant exercé des pressions sur les autorités à l'issue de la guerre de 2006, pour que la reconstruction des écoles du Liban-Sud se fasse conformément aux normes. Mais ils n'ont absolument rien fait. Aucune des 16 écoles reconstruites au Liban-Sud n'a été équipée pour accueillir des élèves handicapés », déplore Mme Lakkis.
À l'école privée, les choses diffèrent d'un établissement à un autre. Certaines écoles accueillent tout naturellement les élèves handicapés et apportent progressivement les changements nécessaires à leur bonne intégration, mais d'autres restent ancrées dans leur immobilisme, refusant de « défigurer leurs bâtiments pour un élève ». Élias a fait les frais de ce refus lorsqu'il était plus jeune, se souvient sa mère, Carole. Elle raconte qu'au passage de son fils au complémentaire, l'école privée où il était scolarisé a catégoriquement refusé d'aménager le nouveau bâtiment. La famille avait pourtant pris en charge tous les frais relatifs à l'aménagement du bâtiment des classes primaires, comme la construction d'un ascenseur, l'installation de rampes et de pentes... Elle était également prête à engager de nouveaux frais. Scolarisé, depuis, au Collège Notre-Dame de Jamhour, Élias, aujourd'hui en terminale, garde vive la blessure causée par cet incident. Son collège s'équipe progressivement, avec l'aide de ses parents, pour lui procurer un environnement adapté. « Nous avons d'abord proposé de prendre ces aménagements à notre charge. Mais dernièrement, le collège a spontanément installé de nouveaux équipements », souligne Carole, exprimant sa gratitude à la direction de l'établissement.

Le souci des parents
Cette initiative n'est pas unique en son genre, fort heureusement. Au Grand Lycée franco-libanais d'Achrafieh qui accueille six élèves handicapés physiques, la direction entreprend régulièrement depuis trois ans d'aménager les lieux, en rampes, pentes, ascenseurs et toilettes. « Selon la loi française, l'établissement a l'obligation d'accueillir des élèves handicapés », souligne le proviseur, Jean-Michel Herz. Il ajoute que « la socialisation de l'élève handicapé est fondamentale » et qu'« il doit être considéré comme tous les autres élèves ». Le projet prend forme, petit à petit. « Le chantier d'un passage souterrain entre l'établissement et le Stade du Chayla qui a démarré sera construit conformément aux normes, pour permettre aux élèves handicapés d'avoir accès au stade et à la piscine », observe le proviseur. « Mais cela ne saurait suffire », regrette-t-il, évoquant les difficultés d'aménagement liées à l'ancienne infrastructure, de même que l'incapacité de l'établissement à accueillir des élèves présentant des handicaps mentaux lourds, par manque de structures techniques et de personnel compétent.
Certaines écoles ont développé, de leur côté, des programmes d'intégration scolaire, notamment La Sagesse Brasilia, qui accueille une quarantaine d'enfants présentant divers handicaps au sein de classes normales et spécialisées. Mère d'un enfant de 9 ans présentant une dyspraxie, Michèle raconte l'inquiétude des parents d'enfants handicapés concernant l'intégration et l'autonomie de leur enfant. Elle déplore « la rigidité du système scolaire libanais, qui veut mettre tous les enfants dans un même moule, alors qu'on ne peut prédire l'évolution d'un enfant handicapé ». Elle se demande « dans quelle mesure les établissements accueillant des enfants à besoins spécifiques sont prêts à sortir du système classique ». « L'évolution est parfois très lente », dit-elle, invitant les établissements à ne pas baisser les bras. Déboussolée, ne sachant pas toujours quelle décision prendre, Michèle déplore l'absence de l'État dans l'orientation des parents. Elle ne manque pas de saluer l'initiative de la Sagesse Brasilia qui héberge son fils et œuvre à son épanouissement.

L'UL de Hadeth
« L'intégration des élèves handicapés physiques et mentaux est aujourd'hui prioritaire », mais « les choses évoluent en douceur », estime le secrétaire général des écoles catholiques, le père Marwan Tabet. Il invite tous les établissements privés à aménager leurs espaces et leurs bâtiments de façon à recevoir les élèves handicapés. « Mais les choses évoluent différemment d'un établissement à un autre, car il est souvent difficile d'aménager d'anciens bâtiments », affirme-t-il. Il observe que « le coût de tels aménagements est parfois trop élevé » pour certains établissements, et salue la collaboration entre les parents et les établissements, pour adapter l'école aux élèves handicapés.
C'est également en douceur que la situation évolue dans les universités. « Même le campus de l'UL de Hadeth, qui est le mieux habilité du pays à recevoir les étudiants handicapés, n'obéit pas totalement aux normes internationales », estime à ce propos Sylvana Lakkis. Elle précise que « l'aménagement des locaux prend en compte le handicap des étudiants, mais en aucun cas celui des enseignants ou des employés ». « Au niveau de l'Université Saint-Joseph, l'évolution est également timide », observe-t-elle, déplorant qu'elle ne soit « pas du niveau requis ». À l'Université américaine de Beyrouth, le doyen associé pour les affaires estudiantines, Talal Nizameddine, affirme que l'institution, qui observe les standards américains, s'attelle depuis 5 ou 6 ans déjà à détruire les barrières liées à l'intégration des personnes à besoins spécifiques. « Nous avons déjà mis en place une salle de lecture pour les malvoyants », indique-t-il. « Le West Hall est équipé de rampes permettant l'accès aux personnes sur fauteuil roulant. Nous tentons ainsi de rendre accessibles tous les anciens bâtiments dans la mesure du possible, même si ce n'est pas toujours évident », poursuit-il. Quant aux nouveaux bâtiments, hébergeant notamment la faculté de gestion, « ils sont totalement conformes aux normes et peuvent aussi bien accueillir, dans les meilleures conditions, des étudiants sur fauteuil roulant que des personnes malvoyantes », affirme Nizameddine.
Malgré la lenteur, l'espoir de changement émerge. Un changement annoncé par le ministre de l'Éducation et de l'Enseignement supérieur, Hassan Mneimné, qui a qualifié de prioritaire l'intégration des élèves à besoins spécifiques. Mais pour cela, encore faut-il que le décret d'application de la loi 220 concernant les droits des handicapés soit adopté. Une loi qui, en 2000, donnait six ans à l'État pour transformer le pays en espace intégrant les personnes handicapées.

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