Anne-Marie El-Hage
« Il est de mon droit d'aller à l'école. » « Rendez-moi mon enfance. » « Je suis épuisé, je n'en peux plus de travailler des heures tous les jours au soleil pour moins de 5 dollars. » « Si vous saviez comment je travaille, pliée en deux. J'ai le dos brisé et n'ai pas le droit de lever la tête. » « J'ai quitté l'école pour travailler, car ma mère ne parvenait plus à payer le loyer, mais je n'ai pas abandonné mon rêve. » « Je voudrais tant revoir mes camarades de classe. » « Je dois me lever à l'aube tous les jours et avaler mon thé en vitesse pour ne pas subir les foudres de mon patron. »
C'est au nom de tous les enfants syriens ou libanais qui triment au quotidien dans les champs agricoles, dans les chantiers de construction, dans les garages, chez des commerçants ou dans la rue, que se sont exprimés hier à Saadnayel Ziyad, Manar et une soixantaine de jeunes réfugiés syriens. Par le biais de saynètes, de sketches, d'histoires vécues, de chants, ils ont mis en scène les conséquences néfastes du travail de l'enfance et invité les autorités à mettre en place des lois qui les protégeraient. Leur public, des milliers de jeunes réfugiés syriens installés dans des camps de fortune dans la Békaa, scolarisés par l'association Beyond partenaire de l'Unicef. Dans l'assistance aussi, nombre de parents concernés, attentifs.
Acteurs, travailleurs et élèves à la fois
L'objectif premier était de célébrer la Journée mondiale contre le travail des enfants. Une célébration organisée par l'Organisation internationale du travail (OIT) en collaboration avec le ministère du Travail, et par Beyond et l'Unicef, dans l'aire d'une « tente-école » de l'association. Mais au-delà de cette journée, c'est une sensibilisation massive des réfugiés syriens contre le travail de l'enfance, et pour l'éducation, qu'entend réaliser l'OIT. D'autant que les chiffres sont alarmants. « Au moins 50 000 enfants de réfugiés syriens au Liban travaillent, dans des conditions très pénibles et jusqu'à douze heures par jour, pour permettre à leurs familles de se nourrir et d'avoir un gîte », assure dans un communiqué l'association humanitaire Care.
Parmi les jeunes acteurs, des travailleurs, dont certains hauts comme trois pommes. Dans l'assistance également, venue de toute la plaine, nombre d'enfants n'ont d'autre choix que d'aider leurs parents, dans le besoin. Ils bénéficient heureusement du soutien de Beyond, qui assure six heures par jour d'enseignement informel à 3 000 réfugiés syriens de la Békaa âgés entre 4 et 14 ans, qui n'ont pu intégrer l'école publique. Et ce, dans 37 écoles aménagées à proximité des camps. « Pour acquérir un minimum d'instruction, ces enfants n'ont d'autre choix que de se dépasser et de jongler avec leur emploi du temps », raconte à ce propos Mayssa' Raya, enseignante au sein du camp de Temnine. « Leur quotidien est tellement dur, confie-t-elle. Nous nous démenons pour qu'ils n'abandonnent pas. »
C'est à ces enfants et à leurs parents qu'a tenu à rendre hommage le directeur général adjoint pour les pays arabes de l'OIT, Franck Hagemann, présent pour l'occasion, au même titre que nombre de représentants des ministères concernés. « Nous vous soutenons et continuerons à vous soutenir, à écouter vos rêves et vos peurs », leur a-t-il dit, reconnaissant que « dans ce lieu, comme dans d'autres endroits, les enfants travaillent et exercent les pires formes de travail de l'enfance ». « Nous devons éliminer le travail de l'enfance et travaillons pour ça », a-t-il enfin martelé, rendant hommage à l'association Beyond et à son président Joseph Awad et à son équipe, sous les applaudissements nourris du jeune public.
L'éducation est sans aucun doute le meilleur moyen pour lutter contre le travail de l'enfance. Mais à peine 30 % des jeunes réfugiés syriens du Liban poursuivent leur éducation, à l'école ou par le biais d'un enseignement informel. C'est dire les efforts qu'il reste à faire...
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