Reprise du procès Hariri : Merhi, coauteur du complot et principal complice, affirme l’accusation
Jeanine Jalkh
C'est en présence de Yasma Fleyhane, assise aux premiers bancs des victimes, que le procès de l'assassinat de Rafic Hariri a repris hier. N'ayant fait que de rares apparitions publiques depuis le décès de son mari, la présence de l'épouse de Bassel Fleyhane, décédé dans des conditions effroyables après plusieurs semaines d'intenses souffrances, devait subtilement rappeler l'importance et la portée de ces audiences qui ont pourtant été largement boudées par les médias hier.
Le chef du bureau des victimes, Peter Haynes, devait évoquer devant la Cour les qualités exceptionnelles de l'ancien ministre Fleyhane, « un brillant économiste », et la fatalité du destin qui a voulu qu'il soit sur « cet avion le ramenant à Beyrouth la veille de l'attentat et non une semaine plus tard comme il l'avait initialement prévu ». M. Haynes a tenu à signaler l'état dans lequel Bassel Fleyhane se trouvait après l'attentat – brûlé à plus de 80 %, n'ayant plus de peau – mais assez conscient au point de répéter à l'infini un seul et même mot, « le prénom de Yasma », l'amour de sa vie. Un moment poignant qui a donné le coup d'envoi à la déclaration liminaire de l'accusation qui devait présenter hier les faits retenus contre le cinquième accusé, Hassan Merhi, dont l'affaire a été jointe aux quatre autres accusés (Badreddine, Ayache, Sabra, Oneïssi).
Affirmant que l'accusation n'allait pas revenir sur les « photos illustrant la tragédie dans toute son horreur », Alex Milne, du bureau du procureur, a effectué un résumé des faits largement présentés au début du procès, en janvier dernier : les dernières activités de Rafic Hariri avant le démarrage de son convoi, le passage de la Mitsubishi couverte d'une bâche sous le tunnel, sa disparition du champ de la caméra lorsqu'elle bifurque à droite, puis sa réapparition quelques minutes avant le moment fatidique, soit à 12h55.
Rappel également du nombre de victimes directes et indirectes, de la mort horrible de plusieurs d'entre elles, brûlées vives, des dégâts occasionnés par la charge explosive qui a atteint l'équivalent de 2,5 tonnes de TNT.
M. Milne relève le fait que la présence de la Mitsubishi sur les lieux a coïncidé avec l'explosion, les résultats de l'opération de fouilles ayant abouti à retrouver les débris du véhicule ainsi que d'autres pièces repêchées en mer. Il termine sur ce constat : « Il ne s'agit pas d'un attentat aveugle, mais bel et bien d'un acte intentionnel. »
La présence par ailleurs de « fragments minuscules de restes humains tout près de la charge explosive » fait croire à l'accusation que ces restes reviennent indiscutablement à un kamikaze que les tests d'ADN n'ont pu identifier. La tâche ardue d'établir un lien entre les quatre premiers accusés et le cinquième, Hassan Merhi, devait incomber à Graeme Cameron, qui tente à son tour de mettre en exergue les moyens mis en œuvre par Merhi, reliant sa fonction et son rôle à Moustapha Badreddine, Salim Ayache, Assad Sabra et Hussein Oneïssi.
Plus de trois heures durant, l'accusation tente de présenter – graphiques à l'appui – les moyens de preuves dont elle dispose, soulignant « le rôle joué par Merhi à la fois coauteur du complot et complice ». M. Cameron explique comment s'est fait la répartition des tâches dans le cadre d'une « structure hiérarchique entre les membres du réseau qui agissent de manière parfaitement coordonnée ». « Rien n'a été laissé au hasard », dira-t-il.
Quatre tâches devaient incomber à Hassan Merhi, avance M. Cameron : identifier le site de l'explosion, obtenir les renseignements nécessaires sur les déplacements de Rafic Hariri, prendre part à la recherche des explosifs et du véhicule de transport et leur acheminement sur le site choisi. M. Merhi devait enfin superviser et suivre de près une dernière tâche : la préparation de la fausse revendication, en identifiant la personne adaptée pour cette mission – Abou Adass – préparer la lettre et la vidéo, l'ensemble de toutes les opérations étant, rappelons-le, chapeauté par Moustapha Badreddine, le cerveau du complot.
À travers une démonstration combinant, une fois de plus, le jeu des appels téléphoniques entre les membres du réseau, le lieu d'où s'effectuaient ces appels, le destinataire, le type d'appareil utilisé (vert, violet ou rouge), la longueur des appels prouvant l'importance de la tâche en cours d'exécution et la cessation des appels sur certains des téléphones, l'accusation a tenté de prouver la trajectoire criminelle de Hassan Merhi en particulier à travers les différentes phases de la planification et de l'exécution de l'attentat.
Autant d'éléments composés avec d'autres types de preuves recueillies par le bureau du procureur, tels que l'achat des 8 téléphones à Tripoli – lieu intentionnellement choisi par les criminels pour sa symbolique sunnite en vue de brouiller les pistes – les fausses identités choisies par ailleurs pour l'obtention de 18 autres téléphones dans différentes boutiques de la banlieue sud, les paiements mensuels effectués auprès de la société Alfa par une seule personne pour régler l'intégralité des 18 factures, mais aussi les témoignages recueillis, notamment auprès de la famille de Abou Adass, sur les circonstances qui ont entouré sa disparition.
À plusieurs reprises, l'accusation insiste sur les modalités d'utilisation des téléphones entre les membres du groupe, « qui opéraient en réseau fermé », avec une « très grande discipline », dit M. Cameron rappelant, à plus d'une reprise, qu'aucun message SMS n'était envoyé entre eux. M. Cameron passe enfin en revue les différentes phases de la conspiration qui mènera, au final, au choix du bouc émissaire, Abou Adass, chargé de faire une fausse revendication par vidéo et lettre envoyées aux médias.
Il passe aussi au crible les détails de la combinaison et la localisation des appels téléphoniques – principalement autour de la mosquée de l'Université arabe où Abou Adass est repéré –, expliquant notamment les différents stades du recrutement jusqu'à sa disparition « en Irak », comme le fera croire Oneïssi, alias Mohammad, à sa famille.
Jeanine Jalkh
C'est en présence de Yasma Fleyhane, assise aux premiers bancs des victimes, que le procès de l'assassinat de Rafic Hariri a repris hier. N'ayant fait que de rares apparitions publiques depuis le décès de son mari, la présence de l'épouse de Bassel Fleyhane, décédé dans des conditions effroyables après plusieurs semaines d'intenses souffrances, devait subtilement rappeler l'importance et la portée de ces audiences qui ont pourtant été largement boudées par les médias hier.
Le chef du bureau des victimes, Peter Haynes, devait évoquer devant la Cour les qualités exceptionnelles de l'ancien ministre Fleyhane, « un brillant économiste », et la fatalité du destin qui a voulu qu'il soit sur « cet avion le ramenant à Beyrouth la veille de l'attentat et non une semaine plus tard comme il l'avait initialement prévu ». M. Haynes a tenu à signaler l'état dans lequel Bassel Fleyhane se trouvait après l'attentat – brûlé à plus de 80 %, n'ayant plus de peau – mais assez conscient au point de répéter à l'infini un seul et même mot, « le prénom de Yasma », l'amour de sa vie. Un moment poignant qui a donné le coup d'envoi à la déclaration liminaire de l'accusation qui devait présenter hier les faits retenus contre le cinquième accusé, Hassan Merhi, dont l'affaire a été jointe aux quatre autres accusés (Badreddine, Ayache, Sabra, Oneïssi).
Affirmant que l'accusation n'allait pas revenir sur les « photos illustrant la tragédie dans toute son horreur », Alex Milne, du bureau du procureur, a effectué un résumé des faits largement présentés au début du procès, en janvier dernier : les dernières activités de Rafic Hariri avant le démarrage de son convoi, le passage de la Mitsubishi couverte d'une bâche sous le tunnel, sa disparition du champ de la caméra lorsqu'elle bifurque à droite, puis sa réapparition quelques minutes avant le moment fatidique, soit à 12h55.
Rappel également du nombre de victimes directes et indirectes, de la mort horrible de plusieurs d'entre elles, brûlées vives, des dégâts occasionnés par la charge explosive qui a atteint l'équivalent de 2,5 tonnes de TNT.
M. Milne relève le fait que la présence de la Mitsubishi sur les lieux a coïncidé avec l'explosion, les résultats de l'opération de fouilles ayant abouti à retrouver les débris du véhicule ainsi que d'autres pièces repêchées en mer. Il termine sur ce constat : « Il ne s'agit pas d'un attentat aveugle, mais bel et bien d'un acte intentionnel. »
La présence par ailleurs de « fragments minuscules de restes humains tout près de la charge explosive » fait croire à l'accusation que ces restes reviennent indiscutablement à un kamikaze que les tests d'ADN n'ont pu identifier. La tâche ardue d'établir un lien entre les quatre premiers accusés et le cinquième, Hassan Merhi, devait incomber à Graeme Cameron, qui tente à son tour de mettre en exergue les moyens mis en œuvre par Merhi, reliant sa fonction et son rôle à Moustapha Badreddine, Salim Ayache, Assad Sabra et Hussein Oneïssi.
Plus de trois heures durant, l'accusation tente de présenter – graphiques à l'appui – les moyens de preuves dont elle dispose, soulignant « le rôle joué par Merhi à la fois coauteur du complot et complice ». M. Cameron explique comment s'est fait la répartition des tâches dans le cadre d'une « structure hiérarchique entre les membres du réseau qui agissent de manière parfaitement coordonnée ». « Rien n'a été laissé au hasard », dira-t-il.
Quatre tâches devaient incomber à Hassan Merhi, avance M. Cameron : identifier le site de l'explosion, obtenir les renseignements nécessaires sur les déplacements de Rafic Hariri, prendre part à la recherche des explosifs et du véhicule de transport et leur acheminement sur le site choisi. M. Merhi devait enfin superviser et suivre de près une dernière tâche : la préparation de la fausse revendication, en identifiant la personne adaptée pour cette mission – Abou Adass – préparer la lettre et la vidéo, l'ensemble de toutes les opérations étant, rappelons-le, chapeauté par Moustapha Badreddine, le cerveau du complot.
À travers une démonstration combinant, une fois de plus, le jeu des appels téléphoniques entre les membres du réseau, le lieu d'où s'effectuaient ces appels, le destinataire, le type d'appareil utilisé (vert, violet ou rouge), la longueur des appels prouvant l'importance de la tâche en cours d'exécution et la cessation des appels sur certains des téléphones, l'accusation a tenté de prouver la trajectoire criminelle de Hassan Merhi en particulier à travers les différentes phases de la planification et de l'exécution de l'attentat.
Autant d'éléments composés avec d'autres types de preuves recueillies par le bureau du procureur, tels que l'achat des 8 téléphones à Tripoli – lieu intentionnellement choisi par les criminels pour sa symbolique sunnite en vue de brouiller les pistes – les fausses identités choisies par ailleurs pour l'obtention de 18 autres téléphones dans différentes boutiques de la banlieue sud, les paiements mensuels effectués auprès de la société Alfa par une seule personne pour régler l'intégralité des 18 factures, mais aussi les témoignages recueillis, notamment auprès de la famille de Abou Adass, sur les circonstances qui ont entouré sa disparition.
À plusieurs reprises, l'accusation insiste sur les modalités d'utilisation des téléphones entre les membres du groupe, « qui opéraient en réseau fermé », avec une « très grande discipline », dit M. Cameron rappelant, à plus d'une reprise, qu'aucun message SMS n'était envoyé entre eux. M. Cameron passe enfin en revue les différentes phases de la conspiration qui mènera, au final, au choix du bouc émissaire, Abou Adass, chargé de faire une fausse revendication par vidéo et lettre envoyées aux médias.
Il passe aussi au crible les détails de la combinaison et la localisation des appels téléphoniques – principalement autour de la mosquée de l'Université arabe où Abou Adass est repéré –, expliquant notamment les différents stades du recrutement jusqu'à sa disparition « en Irak », comme le fera croire Oneïssi, alias Mohammad, à sa famille.
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