À entendre et à lire les diverses prises de position autour des sujets qui fâchent ces jours-ci, en particulier la question du Tribunal spécial pour le Liban et tout ce qui en découle, y compris le sous-dossier dit des « faux témoins », on en conclurait logiquement que le pays se dirige droit vers l'inéluctable explosion.
Les articles de presse allant dans ce sens, susurrés notamment par les milieux du 8 Mars, sont profusion par les temps qui courent. Dans certains de ces textes, il est même question de « jours J », de régions à envahir, de bâtiments publics à occuper, etc.
La réalité, n'en déplaise aux pyromanes et autres Cassandre, semble heureusement plus timorée. Verbalement, il est vrai, la guerre fait rage entre les protagonistes libanais, mais aussi entre certains acteurs internationaux et régionaux au sujet du Liban. Mais concrètement, il semble pour le moment douteux aux yeux de nombreux observateurs, y compris dans les milieux diplomatiques, que le discours fiévreux actuellement en vogue soit suivi d'actes irrémédiables.
C'est que personne, ni à l'intérieur ni à l'extérieur, n'a réellement intérêt à faire sauter les dernières soupapes de sécurité qui tiennent encore le pays debout, pense-t-on dans ces milieux. C'est dans cet esprit qu'il convient de comprendre la signification du déjeuner à trois qui réunira aujourd'hui les ambassadeurs de Syrie, d'Arabie saoudite et d'Iran à Beyrouth, à l'invitation du premier. Un déjeuner qui survient après la nouvelle visite du prince saoudien Abdel Aziz ben Abdallah (le fils du roi), à Damas, au cours du week-end écoulé.
La présence de l'ambassadeur iranien à ce déjeuner tend d'ailleurs à montrer que la République islamique semble pour le moment vouloir se joindre à ce qu'on appelle l'entente (minimale) syro-saoudienne.
C'est dans cet esprit aussi qu'on est appelé à déchiffrer le sens de la récente hausse de tonalité américaine à l'adresse de la Syrie, cette dernière étant conviée simplement à modérer ses ardeurs au Liban, plus précisément à abandonner tout espoir de revenir à l'âge d'or où elle décidait pratiquement seule de la pluie et du beau temps dans ce pays.
De plus, des sources diplomatiques, citées par notre correspondant au palais Bustros, Khalil Fleyhane, sont allées jusqu'à réviser à la baisse l'ampleur des propos alarmistes tenus la semaine dernière à New York par le responsable du dossier libanais à l'ONU, Terjé Roed-Larsen, qui, dans une image quelque peu apocalyptique, avait comparé le Moyen-Orient à une tente tenue par deux piquets qui risquent de sauter à tout moment, le piquet palestinien et le piquet libanais.
Ces sources affirment que rien à l'heure actuelle ne permet de dire qu'un conflit militaire d'envergure, impliquant Israël, est sur le point d'éclater, que ce soit au Liban ou dans la région.
Intérieurement, le suspense entourant les préparatifs de la séance du Conseil des ministres prévue demain mercredi semble lui aussi un peu surfait. On sait que, pour la énième fois, la question des « faux témoins » sera à l'ordre du jour de cette séance et on connaît les positions parfaitement inconciliables des deux camps en présence à ce sujet.
Hier, des voix d'ici et de là se sont élevées à nouveau pour répéter ces positions, certaines allant même jusqu'à entrevoir la possibilité de recourir au vote en Conseil des ministres pour départager les deux camps sur le dossier des « faux témoins ». Avec les conséquences que l'on imagine sur la cohésion du gouvernement.
Toujours est-il que dans les milieux de Baabda, on continue à écarter cette hypothèse. Ou bien il y aura un compromis ou bien le dossier sera une nouvelle fois ajourné, assure-t-on dans l'entourage du président de la République, Michel Sleiman. En vertu de ses pouvoirs, ce dernier n'accepte pas, en effet, qu'on lui pose une quelconque forme d'ultimatum au sujet de la démarche à suivre lorsqu'il préside les séances du Conseil des ministres.
Sauf entente de dernière minute, à laquelle tente de contribuer le président de la Chambre, Nabih Berry, qui aurait, dit-on, rapporté de France des idées à ce sujet, un nouvel ajournement n'est donc pas à écarter, et cela en dépit de certaines rumeurs selon lesquelles la parution de l'acte d'accusation du TSL pourrait être plus ou moins imminente.
Qu'il y ait entente ou pas, le chef du CPL, le général Michel Aoun, s'orienterait déjà vers un boycottage de la séance du dialogue national prévue à Baabda le lendemain même du Conseil des ministres, à en croire des sources proches de lui citées par l'agence al-Markaziya.
Une manière bien à lui d'affirmer sa présence.
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