Sandra Noujeim
Le ministre des Affaires étrangères Gebran Bassil semble avoir pris à sa charge la résolution du dossier des réfugiés syriens, intensifiant ses contacts avec les ambassadeurs occidentaux, mais aussi avec l'ambassadeur de Syrie.
Pourtant, le gouvernement ne l'aurait pas chargé de cette mission, d'autant qu'aucune solution officielle n'a été convenue en Conseil des ministres à ce sujet. Ceci expliquerait d'ailleurs la pluralité d'options que propose le chef de la diplomatie : sécuriser le retour des réfugiés à leur pays, sinon établir des camps derrière les frontières syriennes (c'est-à-dire en territoire limitrophe syrien, non libanais).
C'est que, en réalité, l'initiative du ministre Bassil obéirait à une ligne d'action globale, celle d'amorcer une coopération officielle avec Damas sur le dossier des réfugiés syriens. Or, non seulement ce point est controversé en Conseil des ministres, mais il contrevient directement à la volonté du Premier ministre, Tammam Salam.
Selon le ministre des Affaires sociales, Rachid Derbas, « lorsque le ministre Bassil a proposé de contacter les autorités syriennes, le Premier ministre lui a fermement rappelé que nous suivons la politique de distanciation ». « Tout contact avec le gouvernement syrien contraindra son auteur à contacter l'opposition syrienne, ce qui nous fera subir une perte de temps inutile et sans fin », lui aurait également signalé le président Salam. Et le ministre Derbas de poursuivre : « Si le ministre Bassil estime que le fait de communiquer avec le gouvernement syrien en vue du retour des réfugiés conduirait à distancier le Liban du conflit, le Conseil des ministres n'est pas d'accord avec lui sur ce point. Nous ne traiterons de cette question qu'avec les parties internationales compétentes. »
Interrogées sur les motifs de la démarche du ministre Bassil, quand bien même elle contreviendrait aux directives de la présidence du Conseil, des sources du ministère des Affaires étrangères fournissent à L'Orient-Le Jour une réponse en trois points. « D'abord, le Conseil des ministres a pris la décision d'établir des camps de réfugiés aux frontières et de contacter à cette fin toutes les parties concernées. Les autorités syriennes ne sont pas hors du lot », affirment ces sources. Elles précisent ensuite que « l'ambassadeur de Syrie est officiellement accrédité au Liban et toutes les parties libanaises traitent avec lui ». Les mêmes sources rappellent enfin que « le Conseil de sécurité continue de traiter avec le régime syrien dans l'adoption des résolutions ».
Mais ces arguments sont contestés par le Grand Sérail. Le porte-parole du Premier ministre précise à L'OLJ qu'aucune décision officielle n'a été prise par le gouvernement sur la question de l'établissement des camps. Certes, l'idée est prête à être mise en œuvre, et des États arabes et non arabes seraient prêts à la financer, mais l'élément manquant reste la décision de l'exécuter. Force est de relever que l'ambassadeur syrien rejette fermement l'idée de l'édification de camps de réfugiés, pariant sur leur retour à leur pays. Or, celui-ci serait impossible à mettre en œuvre, selon le ministre des Affaires sociales, qui se dit « incapable de contraindre les réfugiés à retourner en Syrie ». Et le porte-parole du Grand Sérail d'ajouter, non sans ironie : « Si le ministre Bassil est capable de convaincre Damas d'établir des camps de réfugiés, nous lui en serons reconnaissants... »
À moins d'une entente « à l'unanimité » en Conseil des ministres, rien ne présage de la résolution de ce dossier, et encore moins si une tierce partie, en l'occurrence syrienne, y intervient...