Jeanine Jalkh
Dans un long entretien, François Roux se lance avec enthousiasme en analysant en profondeur les principales problématiques posées par le Tribunal spécial pour le Liban, chargé de juger les assassins de Rafic Hariri, et les défis que rencontrent les équipes de la défense.
Depuis les questions de coopération avec le gouvernement libanais, jusqu'à la décision de joindre les affaires « Merhi » et « Ayache », en passant par ses relations avec les juges de la chambre de première instance notamment, les multiples enjeux posés par des procédures complexes, parfois encombrantes, M. Roux effectue un tour d'horizon sur un sujet qui n'a cessé de le passionner, comme il dit, après tant d'années d'exercice.
En visite au Liban où il a notamment rencontré le ministre de l'Intérieur, Achraf Rifi, le chef du bureau de la défense avait, entre autres, une mission bien précise : conquérir le nouveau ministre à sa juste cause, en emportant avec lui une promesse de coopération que l'ancien gouvernement n'a pu tenir, en dépit des multiples appels lancés par le TSL. « Le ministre de la Justice m'a assuré de son entière disposition à coopérer et a souligné devant moi l'importance que la défense puisse effectuer son travail », dit-il.
Une coopération d'autant plus importante qu'elle retarde de manière injustifiée à ses yeux le travail et coûte cher aux conseils en termes de temps, devait répéter à l'envi M. Roux et ses conseils lors des audiences.
Depuis la décision de jonction prise par la chambre de première instance, le bureau de défense et les conseils dénoncent le fait d'avoir été pris de court par le nouveau dossier et de ne pouvoir bénéficier du temps qui avait été accordé avec largesse à l'accusation concernant le cinquième accusé.
« Je ne cesserai de rappeler avec les équipes de la défense que le bureau du procureur avait considéré qu'il avait besoin de 15 mois pour mettre en accusation M. Merhi. Il a pris son temps, pourquoi pas la défense ? » s'interroge M. Roux.
D'ailleurs, ce dernier ne semble pas en vouloir au procureur lui-même, Norman Farrell, qui, a-t-il dit, « a abondé dans mon sens », avant d'agréer le fait que M. Farrell « est fair-play ». « Je pense que c'est un professionnel », dit-il.
Par contre, c'est avec les juges que la défense mène un bras de fer sur la question des délais, entre autres. « Les juges font pression sur nous en affirmant qu'ils doivent être attentifs à ceux qui ont créé le tribunal », déplore M. Roux.
À la question de savoir si la pression exercée par les juges est justifiée par le fait qu'ils sont soucieux de garantir un procès sans retard qui n'impliquerait pas des dépenses budgétaires injustifiées, il répond : « Les juges ne doivent avoir pour seul guide que l'affaire dont il sont saisis. Je reste certain qu'ils n'ont pas d'autre critère (...). Ils ont certes l'obligation de rendre la justice sans retard, mais pas en faisant pression sur les avocats de la défense. »
« Un procès sans retard, c'est trouver la balance et respecter le travail d'une équipe de défense », martèle le juriste, qui tient à rappeler au passage que la défense peut toujours manier l'arme, à double tranchant, d'interjeter appel. Il reconnaît ainsi que la décision de faire appel comporte le risque d'un retard supplémentaire de la procédure. « C'est aussi toute la responsabilité qui pèse sur les épaules des membres de la chambre de première instance, parfaitement consciente de cela. Ils essayent de trouver la bonne balance qui, selon moi, ne peut être 15 mois d'un côté et 4 mois de l'autre. » « Affaiblir le bureau de la défense affaiblira inéluctablement le tribunal », ajoute-t-il.
N'oubliant jamais de citer les travaux de l'ancien président du TSL, Antonio Cassese, « qui avait anticipé tous les défis et défini la philosophie du statut », il renvoie à maintes reprises à qui veut l'entendre « au mémoire explicatif » de ce grand magistrat.
« Il avait tout vu et avait souhaité d'ailleurs que l'on modifie le système de mise en accusation adopté au sein du TSL, à la lumière précisément de son expérience du tribunal de l'ex-Yougolsavie », souligne François Roux, qui critique le dédoublement des procédures accusatoire et inquisitoire au sein du TSL, qui semblent de plus en plus s'enchevêtrer, « une aventure au quotidien », fait-il remarquer.
« Je n'ai d'agressivité vis-à vis de personne, dit-il en réponse à une question sur la relation » discordante qui transparaît lors des audiences, entre lui et le président de la chambre, le juge David Re.
« Il y a peut-être des divergences d'approche qui sont, dit-il, normales dans un processus judiciaire international. Nous qui travaillons dans ce milieu, nous devons être conscients que la diversité est une richesse. »
Dans un long entretien, François Roux se lance avec enthousiasme en analysant en profondeur les principales problématiques posées par le Tribunal spécial pour le Liban, chargé de juger les assassins de Rafic Hariri, et les défis que rencontrent les équipes de la défense.
Depuis les questions de coopération avec le gouvernement libanais, jusqu'à la décision de joindre les affaires « Merhi » et « Ayache », en passant par ses relations avec les juges de la chambre de première instance notamment, les multiples enjeux posés par des procédures complexes, parfois encombrantes, M. Roux effectue un tour d'horizon sur un sujet qui n'a cessé de le passionner, comme il dit, après tant d'années d'exercice.
En visite au Liban où il a notamment rencontré le ministre de l'Intérieur, Achraf Rifi, le chef du bureau de la défense avait, entre autres, une mission bien précise : conquérir le nouveau ministre à sa juste cause, en emportant avec lui une promesse de coopération que l'ancien gouvernement n'a pu tenir, en dépit des multiples appels lancés par le TSL. « Le ministre de la Justice m'a assuré de son entière disposition à coopérer et a souligné devant moi l'importance que la défense puisse effectuer son travail », dit-il.
Une coopération d'autant plus importante qu'elle retarde de manière injustifiée à ses yeux le travail et coûte cher aux conseils en termes de temps, devait répéter à l'envi M. Roux et ses conseils lors des audiences.
Depuis la décision de jonction prise par la chambre de première instance, le bureau de défense et les conseils dénoncent le fait d'avoir été pris de court par le nouveau dossier et de ne pouvoir bénéficier du temps qui avait été accordé avec largesse à l'accusation concernant le cinquième accusé.
« Je ne cesserai de rappeler avec les équipes de la défense que le bureau du procureur avait considéré qu'il avait besoin de 15 mois pour mettre en accusation M. Merhi. Il a pris son temps, pourquoi pas la défense ? » s'interroge M. Roux.
D'ailleurs, ce dernier ne semble pas en vouloir au procureur lui-même, Norman Farrell, qui, a-t-il dit, « a abondé dans mon sens », avant d'agréer le fait que M. Farrell « est fair-play ». « Je pense que c'est un professionnel », dit-il.
Par contre, c'est avec les juges que la défense mène un bras de fer sur la question des délais, entre autres. « Les juges font pression sur nous en affirmant qu'ils doivent être attentifs à ceux qui ont créé le tribunal », déplore M. Roux.
À la question de savoir si la pression exercée par les juges est justifiée par le fait qu'ils sont soucieux de garantir un procès sans retard qui n'impliquerait pas des dépenses budgétaires injustifiées, il répond : « Les juges ne doivent avoir pour seul guide que l'affaire dont il sont saisis. Je reste certain qu'ils n'ont pas d'autre critère (...). Ils ont certes l'obligation de rendre la justice sans retard, mais pas en faisant pression sur les avocats de la défense. »
« Un procès sans retard, c'est trouver la balance et respecter le travail d'une équipe de défense », martèle le juriste, qui tient à rappeler au passage que la défense peut toujours manier l'arme, à double tranchant, d'interjeter appel. Il reconnaît ainsi que la décision de faire appel comporte le risque d'un retard supplémentaire de la procédure. « C'est aussi toute la responsabilité qui pèse sur les épaules des membres de la chambre de première instance, parfaitement consciente de cela. Ils essayent de trouver la bonne balance qui, selon moi, ne peut être 15 mois d'un côté et 4 mois de l'autre. » « Affaiblir le bureau de la défense affaiblira inéluctablement le tribunal », ajoute-t-il.
N'oubliant jamais de citer les travaux de l'ancien président du TSL, Antonio Cassese, « qui avait anticipé tous les défis et défini la philosophie du statut », il renvoie à maintes reprises à qui veut l'entendre « au mémoire explicatif » de ce grand magistrat.
« Il avait tout vu et avait souhaité d'ailleurs que l'on modifie le système de mise en accusation adopté au sein du TSL, à la lumière précisément de son expérience du tribunal de l'ex-Yougolsavie », souligne François Roux, qui critique le dédoublement des procédures accusatoire et inquisitoire au sein du TSL, qui semblent de plus en plus s'enchevêtrer, « une aventure au quotidien », fait-il remarquer.
« Je n'ai d'agressivité vis-à vis de personne, dit-il en réponse à une question sur la relation » discordante qui transparaît lors des audiences, entre lui et le président de la chambre, le juge David Re.
« Il y a peut-être des divergences d'approche qui sont, dit-il, normales dans un processus judiciaire international. Nous qui travaillons dans ce milieu, nous devons être conscients que la diversité est une richesse. »
L'orient le jour
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