The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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March 29, 2014

L'orient le jour - Une justice internationale pour ressusciter la mémoire collective, March 29, 2014

Jeanine Jalkh


« Une affaire pénale n'est pas seulement une affaire d'intérêt public. C'est la somme de préjudices individuels, surtout dans le cas des crimes terroristes qui fauchent des vies humaines. » C'est par ces termes qu'Alain Grellet, chef de l'unité de la représentation des victimes au Tribunal spécial pour le Liban (TSL), a expliqué l'esprit derrière la participation des victimes au processus judiciaire international. Même si l'on a parfois tendance à l'oublier face aux grands enjeux d'ordre politique, juridique ou procédural qui investissent la justice internationale, il ne faut cesser de le souligner : celle-ci concerne avant tout, mais non exclusivement, les victimes directes des crimes commis.

C'est principalement pour rappeler ce principe sacro-saint que le TSL, plus précisément l'unité des victimes, a organisé une rencontre-débat en présence d'experts, de représentants de la société civile et bien entendu de plusieurs victimes ou familles de victimes, les invités d'honneur de cette rencontre parrainée par l'ordre des avocats.

C'est d'ailleurs son président, Georges Jreij, qui donnera le ton : « Quelles que soient leur religion, confession, communauté ou région, elles (les victimes) sont toutes venues aujourd'hui, au nom de l'égalité dans la souffrance, défiant l'injustice et le malheur qui les a frappées. Elles sont parmi nous, unies dans le droit à connaître la vérité, le droit à braver la peur, le droit à la justice. Le droit enfin à un État qui puisse leur garantir la protection escomptée », a-t-il dit. Le bâtonnier saisira l'occasion de cette tribune pour réclamer, à juste titre d'ailleurs, une quote-part libanaise plus large parmi les juges, avocats et fonctionnaires administratifs et techniques employés au sein d'un tribunal « financé à concurrence de 49 % par le Liban ».
M. Jreij fera en outre part de son double souhait de voir l'ensemble des Libanais, toutes communautés ou parties politiques confondues, se réconcilier un jour avec la justice internationale pour mieux comprendre ses portées nationales. Il a également espéré un transfert d'expertise au Liban ainsi qu'une transmission du savoir en matière de justice internationale, de sorte à mettre à profit ces outils au service de l'appareil judiciaire dans son ensemble, dans un esprit de développement et de réformes institutionnelles. Une attente également exprimée par le professeur de sociologie à l'AUB, Sari Hanafi, qui affirme qu'en l'absence de réformes des institutions judiciaires au Liban, on ne peut parler de véritable transition démocratique.

Une place privilégiée aux victimes
Le TSL, affirme pour sa part M. Grellet, est venu donner voix aux victimes, « une évidence lorsque l'on se trouve en France ou au Liban, deux pays qui viennent d'une tradition (de droit) romano-germanique ».
Pour les victimes, il s'agit de réaffirmer, une fois de plus, « leur droit à une place digne, entière », qui s'est forgée lentement mais sûrement à travers l'histoire récente des procédures internationales, notamment dans le cadre des tribunaux ad hoc pour le Rwanda, la Sierra Leone, l'ex-Yougoslavie et le Cambodge, qui ont permis à tour de rôle une véritable prise de conscience, dit-il en substance.

Coavocate principale pour les parties civiles aux chambres extraordinaires de Phnom Penh, Élisabeth Simonneau Fort, redonne au concept de « victime » toutes ses lettres de noblesse. L'avocate met en exergue l'importance de la restitution aux victimes de la place qu'on leur doit au sein des procédures internationales, non seulement au nom du droit à connaître la vérité et de la lutte contre l'impunité, mais aussi au nom du devoir de mémoire. « Se porter partie civile (au lieu d'une participation collective des victimes devant les instances judiciaires internationales) oblige au devoir de mémoire », dit-elle, insistant sur l'importance de l'impact d'un tel processus sur « les témoins, la population en général et le gouvernement concerné ».

Plaidant en faveur d'une « réparation collective et morale » de l'ensemble de la société affectée par les crimes perpétrés (certains Khmers rouges ont été eux-mêmes victimes de la vague de répression violente du régime de l'époque), l'avocate va plus loin pour expliquer la véritable philosophie derrière « la participation individuelle » des victimes. « La volonté d'imposer l'oubli est une absurdité », dit-elle. D'ailleurs, « la justice n'est pas la seule voie pour répondre aux attentes des victimes », insiste Mme Simonneau Fort, en prônant l'importance de l'idée de l'érection d'un mémorial national, voire l'introduction d'« un chapitre sur les crimes commis dans les manuels d'histoire scolaire ». « Autant de projets qui répondent aux préjugés de manière collective et morale », insiste-t-elle. Qu'elle soit individuelle, collective ou autre, la participation des victimes est d'autant plus importante qu'en définitive elle autorise une certaine forme de compensation, même si celle-ci, qui n'est pas explicitement prévue par le TSL, n'est pas prioritaire.

C'est ce qui fera dire au représentant légal des victimes, Peter Haynes, que la compensation n'est pas le seul objectif de la participation des victimes au procès. « Il s'agit plutôt de faire la lumière sur la vérité et de donner une explication des événements traumatisants qui se sont produits. »

C'est autour de la place des victimes, de leur vécu douloureux, de leur avenir et de leur droit à la compensation que se place ensuite le débat. M. Grellet a saisi l'occasion de rappeler au public de juristes présents – les magistrats ont brillé par leur absence – que la balle est désormais dans leur camp, les invitant à se pencher dès à présent sur la procédure d'exécution a posteriori du ou des verdicts du TSL, une fois prononcé(s).

Connu pour son mutisme en public depuis qu'il a été nommé vice-président du TSL, le juge Ralph Riachi est exceptionnellement sorti de sa réserve pour clarifier une question juridique d'une importance majeure. « Il n'y a pas besoin d'une procédure d'exequatur (pour l'exécution d'un jugement), une fois le verdict émis, pour habiliter les victimes à faire valoir leur droit au Liban, auprès des tribunaux nationaux », précise-t-il, insistant sur le « caractère supranational », du verdict qui sera émis par le TSL.

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