The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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July 21, 2015

L'orient le jour - Trois questions à Ibrahim Najjar, fervent militant pour l’abolition de la peine de mort, July 21, 2015



Anne-Marie El-Hage




Choqués et indignés par le meurtre de Georges Rif, dont ils ont vu le déroulement dans les moindres détails, les Libanais dans leur grande majorité réclament aujourd'hui la peine de mort contre Tarek Yatim, l'assassin d'un paisible père de famille. Tout aussi horrifié par l'ignoble meurtre, l'ancien ministre de la Justice, le juriste et professeur de droit Ibrahim Najjar, rejette formellement la peine capitale et prône plutôt la réclusion à perpétuité. Il explique pourquoi.

Que pensez-vous de la demande populaire d'une application de la peine de mort contre Tarek Yatim, le meurtrier de Georges Rif ?
La question de la peine de mort se pose aujourd'hui avec beaucoup d'acuité. Je tiens d'abord à dire combien je suis choqué et horrifié par le crime, et combien je comprends la demande que justice soit faite de la part des parents et des proches de la victime, Georges Rif.
Tout en comprenant aussi la douleur et l'immensité du choc provoqué par ce meurtre ignoble, je voudrais souligner que la justice ne s'est pas encore prononcée. Il est encore trop tôt pour savoir si les juges vont ou non condamner à mort Tarek Yatim. Car la condamnation à mort suppose qu'il y ait imputabilité du crime, autrement dit que le meurtrier ait commis son crime de manière volontaire ou de manière préméditée, en étant en pleine possession de ses facultés. Cela suppose donc qu'il ait voulu tuer.
Or nous ne savons pas encore si l'assassin était sous l'emprise de la drogue ou de la provocation, ou si c'est une personne jouissant d'un état mental normal. Nous savons juste qu'il a déjà été condamné et coffré à plusieurs reprises avant d'être élargi, pour des actions qu'il a commises alors qu'il était sous l'emprise de la drogue. Nous savons aussi qu'il avait été à l'origine d'une fusillade, rue Monnot, il y a quelques années et qu'il a été brièvement arrêté.
En cas d'imputabilité du crime contre Georges Rif, le juge sera obligé d'appliquer la loi et de prononcer la peine de mort, quelle que soit sa position personnelle concernant la peine capitale. S'il refuse, son jugement sera annulé.



Quelle est votre position personnelle sur la peine de mort pour l'assassin de Georges Rif ?
Je ne justifie surtout pas l'assassin. Mais je suis personnellement contre la peine de mort, quelle que soit la situation. Je suis pour une condamnation à la réclusion à perpétuité s'il s'avère que l'assassin de Georges Rif était en pleine possession de toutes ses facultés. Car il a été prouvé que la peine capitale n'a jamais empêché le crime, n'a jamais résolu les problèmes liés à l'insécurité, n'a jamais arrêté le trafic de drogue ou les actes de banditisme. Les statistiques le prouvent formellement et dans tous les pays du monde : la peine de mort n'est pas la solution et ne permet pas de rétablir l'ordre public ou d'assurer la sécurité des citoyens.
Par ailleurs, un juge peut-il se transformer en tueur professionnel ? Je voudrais enfin rappeler ce commandement parmi les dix commandements de Dieu : « Tu ne tueras point. »
Toutes ces raisons font que j'ai refusé de signer un arrêté de mort en 2008, lorsque j'étais ministre de la Justice.

Pourquoi ce tollé aujourd'hui ? Est-ce parce que la justice ne fait pas toujours son devoir ?
La réaction populaire est normale et justifiée, car différents crimes ont été commis et certains sont restés impunis. De plus, le pays traverse une période d'insécurité. Je suis choqué d'apprendre que la gendarmerie a failli à son devoir et n'a pas réussi à arrêter à temps le criminel pour l'empêcher de commettre l'irréparable.
Sans compter que la justice est lente. À quoi cela sert-il d'exécuter un condamné 10 ou 15 ans après qu'il eut commis son crime ? À quoi cela sert-il aussi de condamner à la peine capitale des terroristes qui ne cherchent qu'à mourir et à se faire exploser ?
Au Liban, une centaine de condamnés à la peine capitale attendent depuis de longues années dans le couloir de la mort, alors que la dernière exécution remonte à 11 ans déjà. Un moratoire de fait qui n'empêche pas les juges de continuer à prononcer des peines de mort, car ils sont tenus de respecter la loi.
Je tiens à souligner que 160 pays ont déjà aboli la peine de mort, comme ils ont aboli l'esclavage au fil des siècles. Mais des pays comme l'Arabie saoudite, l'Iran, la Chine, la Thaïlande, le Japon et les États-Unis continuent de la pratiquer.

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