Sylviane Zehil
La communauté internationale pèsera-t-elle de tout son poids pour soutenir les efforts de stabilisation du pays du Cèdre ? Philippe Lazzarini, coordonnateur spécial adjoint des Nations unies pour le Liban, coordonnateur de l'action humanitaire et représentant résident du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) au Liban, qui a présenté jeudi dernier aux membres du Conseil de sécurité de l'ONU un bilan détaillé sur la mise en œuvre de la résolution 1701 (2006), met en exergue, dans un entretien accordé à L'Orient-Le Jour au Palais de verre, la solidarité « unanime de la communauté internationale à soutenir et à vouloir préserver la souveraineté, la stabilité et la sécurité du Liban ».
« Le Liban reste au centre de consultations régulières au Conseil de sécurité, à travers la mise en application des résolutions 1701 et 1559 et les consultations mensuelles sur la situation au Moyen-Orient. La réunion de jeudi dernier a eu lieu après la crise politique qui a affecté le pays. Ces concertations ont donné l'occasion aux pays membres de rappeler l'importance qu'ils attachent à la stabilité, la sécurité, la souveraineté et l'indépendance du Liban », soutient-il.
Réunion du GISL à Paris
Cette solidarité sera exprimée une fois de plus lors de la réunion du Groupe international de soutien au Liban (GISL) qui se tiendra cette semaine à Paris, en présence de la Nigérienne Amina J. Mohammed, secrétaire générale adjointe de l'ONU, du Suisse Philippe Lazzarini et à laquelle prendra part le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian. Le président Emmanuel Macron assistera à la fin de la réunion. Des préparatifs sont aussi en cours pour la prochaine conférence du GISL qui est prévue à Rome en février prochain.
« Cette réunion est l'occasion de louer aussi les efforts de la classe politique libanaise en soutien à la position du président Michel Aoun, qui a demandé le retour du Premier ministre (Saad Hariri) au pays, et d'exprimer également le soutien aux efforts en vue d'ouvrir une consultation nationale. Le Liban suscite non seulement beaucoup d'intérêt, mais il y a aussi une attention particulière sur cette partie du Moyen-Orient », assure le responsable onusien.
Approche de la stabilité
« La coordonnatrice spéciale pour le Liban qui vient d'achever son mandat, Sigrid Kaag, parlait d'une approche wall of Lebanon, une approche intégrée par rapport au Liban », rappelle-t-elle. « L'objectif principal est de maintenir la paix, la sécurité et la stabilité d'un pays qui est exposé aux crises dans la région. Au cours des dernières années, on parlait de protéger le Liban de l'impact de la crise syrienne ; ce qu'on a vu récemment, c'est véritablement protéger le Liban des tensions régionales », poursuit-t-elle.
« Il est important de souligner ici et à travers le GISL cette expression de soutien de la communauté internationale qui se traduit également par le soutien aux institutions, pour qu'elles puissent s'étendre sur l'ensemble du territoire libanais », estime-t-elle. Et c'est là un élément essentiel de cette approche de maintien de cette stabilité au Liban. « Il est aussi important – et là je salue toutes les déclarations des leaders politiques – de tenir à temps les prochaines élections législatives, ce qui constituera un gage de stabilité et de démocratie au Liban », fait-elle valoir.
Distanciation
La réunion du GISL se traduira-t-elle par une aide internationale au Liban ? « Depuis quelques mois, on parle de différents rendez-vous de soutien au Liban, notamment celui qui sera plus focalisé sur les questions économiques, tel le Capital Investment Plan, mis en place par le gouvernement et le Premier ministre. Ce plan va être discuté. Son objectif est d'essayer de revigorer l'économie, d'améliorer les infrastructures dans le pays et d'exprimer le soutien de la communauté internationale au Liban. Il aura aussi pour objectif de l'aider à réaliser ce type de plan en complément de l'aide internationale pour atténuer l'impact de la crise syrienne, c'est-à-dire l'aide aux réfugiés et aux communautés locales », ajoute M. Lazzarini.
La question de la distanciation est-elle exigée par les Nations unies? Pour le responsable onusien, « c'est une discussion qui appartient aux Libanais. La position des Nations unies est de dire : nous devons protéger le Liban des tensions et des interférences régionales pour assurer sa stabilité et protéger le pays qui est vulnérable à ces interférences et tensions régionales, d'où ces discussions sur ce que pourrait signifier la politique de distanciation. Parce que c'est une réponse qui viendra principalement de la classe politique libanaise, mais dont l'objectif à chaque fois est justement de préserver l'unité, la stabilité, la sécurité et la souveraineté du pays ».
« Volontaire et dans la dignité »
Avec la « désescalade » prônée par la réunion sur la crise syrienne à Genève, voit-on une lueur d'espoir pour le retour des réfugiés syriens dans leur pays ? « L'avenir de réfugiés syriens sera dans leur pays. Il est important qu'ils fassent partie de la reconstruction de leur pays », assure le responsable onusien. « Mais pour cela, il faut que les conditions de retour en Syrie soient réunies "selon les normes internationales", soit un retour en sécurité, volontaire et dans la dignité. Quand on dit volontaire, c'est un retour qui s'exerce sans avoir à craindre d'être exposés à une situation qui pourrait les faire repartir. La pire des choses qui pourraient arriver, si les conditions de retour ne sont pas réunies, est que les gens soient obligés de se déplacer à nouveau », dit-il.
Philippe Lazzarini met l'accent sur l'importance pour les réfugiés d'avoir une « documentation en ordre ». Leur vulnérabilité, selon lui, a augmenté au fil des ans : 70 % vivent en dessous du seuil de pauvreté et dépendent de l'assistance internationale. « Il est vrai qu'aujourd'hui, la situation en Syrie ne nous permet pas de conclure que les conditions de retour sont réunies. C'est la raison pour laquelle on en appelle à la communauté internationale de continuer à porter une attention prioritaire au Liban, pour non seulement aider les réfugiés, mais aider aussi les Libanais, et au-delà de ce soutien aux communautés hôtes, de soutenir aussi les efforts du gouvernement, comme par exemple ce Capital Investment Plan (plan d'investissement). »