The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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December 30, 2011

L'orient le jour - Droits économiques des femmes : un paramètre complexe et souvent méconnu, December 30th 2011


En ce temps de révolutions arabes, des voix s’élèvent en faveur des droits de la femme, exprimant tour à tour l’espoir et la crainte. Mais les débats abordent rarement cet oublié des mouvements de revendication : le droit économique.
Un homme est examiné par un médecin membre de l’organisation Oxfam. Celui-ci, pour mieux cerner son quotidien, lui demande ce que fait sa femme dans la vie. « Rien », répond le patient. « Pouvez-vous me décrire ses activités quotidiennes ? » demande le spécialiste. Et l’homme, un agriculteur, d’énumérer un nombre impressionnant d’activités : elle se lève à cinq heures pour habiller les enfants pour l’école et préparer le petit déjeuner, puis emmène les enfants à l’école, se rend au marché pour vendre la marchandise de son mari, revient à la maison pour préparer le déjeuner et le porter à son mari jusqu’aux champs, à plusieurs kilomètres du domicile, travaille la terre durant tout l’après-midi, alors que son mari se détend avec ses amis au café. Ensuite, elle revient le soir chez elle pour préparer le dîner, faire coucher les enfants, nettoyer la maison... On en a le souffle coupé. Mais quand le médecin réitère la question à son patient sur le « travail » de sa femme, celui-ci répète, imperturbable : « Elle ne fait rien. »
Ceci n’est pas une fiction. La méconnaissance de la contribution de la femme à la vie économique reste malheureusement courante dans les pays arabes : l’épouse, taxée de « femme au foyer » dans cette histoire, exerce en fait quelque quinze emplois, sans que son entourage le reconnaisse.
L’exemple ci-dessus, bien réel, a été soumis à des journalistes arabes lors d’une formation organisée récemment en Tunisie par le Centre de la femme arabe pour la formation et la recherche (Cawtar), en collaboration avec Oxfam Québec. Dans ce pays qui vit une époque fascinante et mouvementée d’après-révolution, les droits économiques et la reconnaissance de la contribution de la femme à la vie économique ont fait l’objet d’un débat qui s’est focalisé sur une lecture des concepts économiques suivant la grille du genre. Un budget national, apprend-on, est davantage favorable au développement de la condition des femmes au travail quand il se base sur des concepts d’équité et de durabilité, au bénéfice de tous. Ainsi, le travail domestique des femmes devrait être comptabilisé parce qu’il représente un poids pour l’économie.
Les droits économiques ont-ils été choisis pour cette formation parce qu’ils sont au centre de la question plus globale des droits des femmes ?
Pas du tout, répond Atidel Mejbri, directrice de formation à Cawtar. « Les droits des femmes sont indivisibles, affirme-t-elle lors d’une interview accordée à L’Orient-Le Jour et notre confrère as-Safir (qui participaient à la formation à l’initiative du CRTDA). Nous insistons sur les droits économiques parce que les réformes ont jusque-là surtout favorisé les droits politiques et le statut personnel. Or il faut mettre en place un mécanisme qui permette de surveiller la condition de la femme au travail, comme l’égalité des salaires par exemple. »
Interrogée sur les difficultés rencontrées dans les pays arabes, Atidel Mejbri cite les lois qui restent discriminatoires, la nécessité de créer un environnement propice (par la mise en place de crèches sur le lieu du travail, par exemple), les obstacles liés aux politiques générales et au regard social porté sur les femmes actives, etc. « La question est loin d’être négligeable. En Égypte, par exemple, 25% des foyers ont pour principal pourvoyeur de fonds une femme ! » dit-elle.
Elle pense que souvent les médias et la presse n’ont pas rempli leur rôle à ce niveau, n’ayant pas su s’éloigner d’une « série de clichés hérités du passé jusqu’à se transformer en vérités, ce qui rend très difficile de faire progresser les mentalités ». « Les médias ont négligé de refléter une image plurielle de la société et promouvoir une réelle participation de la femme dans la vie active, ajoute-t-elle. Non seulement ils ne montrent pas la véritable image de la femme, mais ils la défigurent souvent. À titre d’exemple, une certaine presse réservée aux femmes a-t-elle encore une raison d’exister ? »
Atidel Mejbri cite l’exemple très courant des portraits de femmes de carrière, conçus de façon à les montrer comme des exceptions. « Il y a cette question que l’on pose invariablement aux femmes et si peu aux hommes : comment faites-vous l’équilibre entre votre carrière et votre vie de famille ? poursuit-elle. Ce sont de petits détails qui échappent à l’attention de la plupart, mais qui n’en ont pas moins un impact profond sur l’opinion. »

Privilégier le concept de développement
Comment concevoir des politiques qui assurent les droits économiques des femmes ? Adib Nehmé, expert à l’Escwa et formateur dans le cadre de la session de Cawtar, met en garde contre les approches qui prétendent améliorer les capacités économiques des femmes sans prendre en compte le contexte économique général. « Elles sont vouées à l’échec », assure-t-il.
« C’est comme pour les politiques de lutte contre la pauvreté : si l’on perçoit les catégories vivant sous le seuil de pauvreté comme un groupe à part, on ne peut concevoir une politique réussie, dit-il. Proposer des politiques dirigées vers une seule catégorie de personnes est une grande erreur. En fait, nous ne pouvons parler d’amélioration des capacités économiques des femmes au sein d’une économie qui ne privilégie pas le concept de développement. »
Adib Nehmé donne l’exemple d’une mesure à impact ciblé dont il est souvent question pour les femmes : les microcrédits. « La production est un cycle complet, qui va de l’octroi du crédit à la mise en place du projet, à la commercialisation du produit, explique-t-il. Si l’écoulement de ces produits n’est pas possible parce que le marché n’en a nul besoin, les microcrédits ne donneront pas de résultat. La mise en capacité doit faire partie soit d’un plan local de développement, soit d’un plan sectoriel. Ce n’est qu’à partir de ce moment qu’il sera possible d’inclure tous ces petits projets dans des secteurs qui fonctionnent. »
L’expert déplore toutefois que « cette approche ne soit pas du tout adoptée dans les pays arabes en général, et au Liban en particulier », ajoutant que « l’amélioration des capacités des femmes devient souvent synonyme d’une simple distribution d’aides ».
Par quels moyens, alors, assurer cette amélioration, notamment au Liban ? « Dans ce pays, il suffirait de quelques modifications dans les lois de commerce, de la famille, des formalités financières, des conditions d’obtention de prêts, estime Adib Nehmé. Il y a des fonds et des dépôts substantiels dans les banques libanaises. Nous n’avons pas besoin que des organisations internationales consacrent des budgets pour des prêts aux femmes. Avec des modifications de lois, les prêts seront accessibles aux personnes qui en ont besoin. Si vous prenez le bulletin de la Banque du Liban, vous constaterez que les prêts de moins de 5 000 dollars représentent un demi pour cent des prêts octroyés. Quelque 200 à 300 personnes profitent de plus de 70% de l’ensemble des prêts. D’où le déséquilibre observé. »
Adib Nehmé évoque un autre point qu’il estime être d’une importance capitale. « Il est indispensable d’annuler certaines législations discriminatoires envers la femme, à l’instar des lois sur la sécurité sociale, affirme-t-il. On doit aussi éviter la discrimination envers les femmes dans la politique de promotion administrative. De telles mesures ne coûtent rien et seront à l’origine d’une amélioration significative de la situation des femmes sur le marché du travail. » Il préconise également un développement de l’agriculture, domaine où la femme rurale est particulièrement active.
« En bref, il faudrait concevoir une politique générale qui prévoira de nombreuses mesures, dont les microcrédits. Il convient aussi de s’éloigner des stéréotypes de métiers réservés aux femmes, comme la confection de nourriture traditionnelle, la couture... Ce genre d’activités ne sort pas la femme de la pauvreté et n’apporte pas de valeur ajoutée à l’économie. Elles peuvent même avoir un impact négatif sur la femme puisqu’elles lui assurent des rentrées bien trop maigres par rapport à l’effort fourni et aux heures de travail.
Une réforme s’impose donc à ce niveau », conclut-il.

http://www.lorientlejour.com/category/Liban/article/738289/Droits_economiques_des_femmes+%3A_un_parametre_complexe_et_souvent_meconnu.html

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