The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

Search This Blog

December 22, 2011

The Daily Star - Oublier la misère le temps d’un repas de gala, December 22nd 2011


Depuis 17 ans, Rifaq el-Darb meuble la solitude des têtes blanches.
Eugénie et Marie sont sœurs. Elles habitent avec leur père au dernier étage d’un immeuble sans ascenseur à Gemmayzé, dans une impasse aux terrasses et aux magasins chics, baptisée depuis quelques années « The Alley ». Les deux sœurs, âgées respectivement de 51 et 46 ans et souffrant d’un handicap mental, vivent dans l’indigence. Elles participeront le lundi 26 décembre au déjeuner de gala de l’association Rifaq el-Darb, une ONG qui aide, depuis des années, à meubler la solitude des têtes blanches les plus démunies.
Depuis dix-sept ans, grâce à des cartes de vœux portant l’inscription « Pour que Noël n’oublie personne » et vendues au cours des fêtes de fin d’année, Rifaq el-Darb réussit à financer ses activités, tout au long de l’année.
Les sommes ainsi collectées permettent notamment d’organiser un déjeuner de gala pour Noël à des personnes du troisième âge, vivant dans la solitude et dans le besoin. Cette année, 700 personnes participeront à un repas festif. Au programme : cadeaux, cotillons, chanteurs professionnels, zaffé et danse.
Comme chaque année, ce déjeuner rassemblera non seulement la centaine de personnes du troisième âge de Rifaq el-Darb, mais 700 autres qui mangent au quotidien aux Restos du cœur.
« C’est la première fois que nous n’atteignons pas les 1 000 invités. Les denrées ont tellement renchéri, et puis il faut penser aussi au coût des activités de toute l’année », explique Joe Taoutel, président de Rifaq el-Darb
Fondée initialement par des étudiants de l’USJ, Rifaq el-Darb mise surtout sur les visites à domicile effectuées auprès des personnes âgées. Non seulement les membres du groupe leur tiennent compagnie et écoutent leurs histoires mais ils les aident aussi en remplaçant une lampe, fixant un évier, badigeonnant les murs de la maison, indiquant un dispensaire, effectuant le travail nécessaire auprès des administrations pour les aider à entrer aux hôpitaux.
Parfois, l’association s’acquitte de tâches plus tristes. « Quand ces personnes qui n’ont plus de familles décèdent, nous nous occupons de leurs funérailles », raconte Joe Taoutel.
Rifaq el-Darb compte une centaine de vieux habitant notamment Achrafieh, Mar Mikhaël, Nabaa et Bourj Hammoud. L’association tente de meubler leur solitude et d’alléger le fardeau de la pauvreté.
Une fois par mois dans les locaux de l’association, qui se trouvent dans les anciens bâtiments de l’USJ, un repas chaud est servi. Deux fois par an, des excursions sont organisées. Il s’agit généralement de pèlerinages avec une importante pause déjeuner au restaurant. Des personnes inscrites à l’association sont également envoyées dans des camps d’été durant plusieurs jours.
Des caisses alimentaires sont en outre distribuées à Noël et à Pâques.
Les membres permanents de Rifaq el-Darb sont aidés, notamment pour le service des repas mensuels, par des volontaires de Notre-Dame de Nazareth, de Notre-Dame de Jamhour, de l’American Community School, du collège Gutenberg et des scouts de Furn el-Chebbak.

« Le lapin du Père Noël »
Pour en revenir à Eugénie et Marie, elles vivent seules avec leur père jardinier à la villa Sursock. Il ne paie pas de loyer. La maison lui est gracieusement offerte par ses employeurs.
On a du mal à comprendre les propos des deux femmes. Il faut bien prêter l’oreille pour ne pas confondre les phrases qu’elles réussissent à formuler comme un babillage d’enfant.
La maison est propre. Les deux sœurs s’occupent tous les jours à la nettoyer. « Aujourd’hui, c’est journée de lessive. Je fais cela toutes les deux semaines. Ma sœur Marie est malade, elle ne peut pas m’aider et moi je me suis brisée la jambe l’été dernier », explique Eugénie devant une montagne de linge propre.
En été, Marie et Eugénie aiment se mettre à leur fenêtre et regarder le va-et-vient des personnes qui font les boutiques et qui se rendent aux restaurants. « Les gens viennent en groupe. Ils ont l’air heureux. Nous, nous sommes seules ; jamais personne ne nous rend visite », confie Eugénie.
« Cela aurait été bien si nous avions des amis. Nous nous amuserions un peu, nous aurions tenu des conversations avec eux », ajoute-t-elle pensive.
Qu’auraient-elles raconté à leurs amis si elles en avaient ? Marie et Eugénie se taisent. Elles ne savent probablement pas.
Les deux sœurs accompagnent leur père à midi dans divers restos du cœur et associations caritatives qui servent des plats chauds aux plus démunis dans le secteur. « Notre mère est morte il y a trente-cinq ans, elle cuisinait de très bons plats », dit Eugénie. « Nous avions aussi un frère. Il s’appelait Pierre. Il est mort d’une crise cardiaque il y a quelques années. Il avait 43 ans », ajoute-t-elle.
Plus tard, nous saurons par le biais de Rifaq el-Darb que Pierre, qui était également handicapé mental, est décédé en se jetant de la fenêtre.

« La dette de l’épicier »
Plus loin à Gemmayzé, près de l’église Saint-Maron, entre les tours flambant neuves et les anciens immeubles fraîchement restaurés, vivent Tamar et sa mère Liliane. Elles habitent une vieille maison minuscule, rongée à l’intérieur par l’humidité et dégageant une odeur particulière de moisissures et d’urine de chat.
Tamar, quinquagénaire, passe son temps dans les Restos du cœur. C’est là qu’elle mange tous les midis. Elle rentre ensuite en ramenant un plat chaud à sa mère, octogénaire, qui ne sort plus de la maison.
L’après-midi et en soirée, elle fait du crochet. « Une dame à Achrafieh me donne des fils et passe les commandes. Parfois je dois travailler des petits éléments que l’on coud ensuite sur des serviettes de bain, ou encore des petits carrés qui seront rassemblés pour constituer une nappe ou un couvre-lit », affirme-t-elle. « Je suis payée 500 livres l’élément », dit-elle, montrant le travail minutieux qu’elle fait. « Quand il y a vraiment du boulot, je peux faire 20 000 livres en cinq jours. Mais vous savez, je les dépense rapidement en achetant des affaires pour la maison. J’ai tout le temps une dette chez l’épicier. Lui est très gentil, mais ça me fait honte quand même », ajoute-elle.
« Heureusement, nous recevons toujours de l’aide. C’est grâce à Rifaq el-Darb, par exemple, que nous avons un abonnement au générateur. Les membres de l’association viennent nous rendre visite souvent. Une fois, ils nous ont donné une télévision », note Tamar.
Parfois aussi des bienfaiteurs nous donnent de l’argent. « Je traînais une dette de 400 000 livres chez l’épicier depuis deux ans. Grâce à une aide, j’ai pu lui rembourser 150 000 livres », raconte-t-elle.
Tamar a grandi dans ce quartier de Gemmayzé. Elle ne s’est jamais mariée. Elle était vendeuse dans un magasin, qui a fermé ses portes à la fin des années quatre-vingt. Avec sa maman à charge elle a rapidement épuisé ses
économies.
Les deux femmes vivent aussi sous la menace de l’expulsion. D’ailleurs, elles sont en procès avec le propriétaire de la petite maison.
« C’est dommage que le quartier ait changé ainsi. Tous nos voisins sont partis », souligne Tamar en montrant les appartements luxueux qui les entourent. « Avant, nous avions des voisins, des vrais. Ils venaient s’enquérir de notre santé ou demander de nos nouvelles. Maintenant, plus personne ne frappe à notre porte, plus personne ne nous dit bonjour », se plaint-elle.
Aurait-elle un jour aimé vivre comme les personnes qui habitent les beaux appartements ? La question surprend Tamar. Elle n’a jamais osé y penser probablement. « Tout ce que je veux, c’est continuer de mener ma vie, comme je le fait actuellement, que ma situation ne se détériore pas, que je ne sois pas expulsée de la maison avec ma mère, que je ne tombe pas malade. Ce sera la catastrophe si je tombe malade », dit-elle.
Vivant depuis de longues années dans la pauvreté, Tamar a arrêté de rêver depuis longtemps. Et si à des moments elle donne libre cours à son imagination, elle ne peut que penser au pire.
Tamar, Liliane, Eugénie et Marie auront un Noël plus chaleureux grâce aux cartes « Pour que Noël n’oublie personne », vendues à 20 000 livres l’unité. La somme rassemblée aidera également Rifaq el-Darb à être présente auprès des têtes blanches les plus démunies le long de l’année. Vous pouvez les aider.
Pour vos dons, composez le 03-624645 ou le 03-522058. Vous pouvez aussi consulter le site Web de l’association à l’adresse suivante :
www.rifaqeldarb.org

http://www.lorientlejour.com/category/Liban/article/737312/Oublier_la_misere_le_temps_d%27un_repas_de_gala.html

No comments:

Post a Comment

Archives