The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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April 13, 2012

L'orient Le Jour - « Voyage d’une vie au cœur de la citoyenneté », ou le courageux combat du juge John Azzi, Vendredi, Avril 13, 2012


Sanctionné en 2010 après avoir prononcé un jugement autorisant Samira Soueidan à transmettre la nationalité libanaise à ses enfants, le juge John Azzi raconte.
Voyage d’une vie au cœur de la citoyenneté. Le titre du dernier ouvrage du juge John Azzi en dit long sur son engagement citoyen. Mais aussi sur son combat au quotidien pour le respect des droits de l’homme au Liban, et plus particulièrement de la femme. Et ce, indépendamment des considérations politiques, confessionnelles et communautaires. La publication récente de ce livre a été l’occasion pour l’association l’Agenda juridique d’organiser un débat, mercredi, au siège de l’association Achkal Alwan, sur le droit de la femme libanaise de transmettre sa nationalité à sa famille. L’événement, animé par l’avocat Nizar Saghiyeh, fervent défenseur des droits de l’homme, s’est déroulé en partenariat avec la campagne « Ma nationalité, un droit pour moi et ma famille », et avec l’association KAFA.
Le combat de John Azzi lui a valu d’obtenir le prix des Droits de l’homme de la Fondation des droits de l’homme et du droit humanitaire
(FDHDH), en décembre 2009. Le juge a pourtant payé cher le prix de son engagement. Président de la chambre de première instance en matière de statut personnel à Jdeidé, un poste qu’il a occupé durant six ans, après avoir été avocat général au parquet de Beyrouth et membre du Conseil supérieur de la magistrature, il a été relégué au poste de conseiller de la Cour de cassation, en octobre 2010. Sanctionné, après avoir rendu un jugement en faveur de Samira Soueidan, le 16 juin 2009, autorisant cette femme libanaise à transmettre sa nationalité à ses quatre enfants de père égyptien, après le décès de ce dernier.

Le silence du législateur
Le juge Azzi s’était basé, dans son jugement, sur l’article 4 de la loi sur la nationalité. Une loi qui date de 1925. « J’ai interprété le silence du législateur », a-t-il expliqué à une assistance constituée de militantes et militants des droits de l’homme et de la cause féminine. Cet article de loi affirme qu’une femme étrangère qui épouse un Libanais peut obtenir la nationalité libanaise un an après son mariage. Elle peut aussi transmettre la nationalité libanaise à ses enfants étrangers issus d’un précédent mariage, un an après le décès de son époux. Concernant la femme libanaise, le texte de loi ne dit rien. « J’ai donc estimé normal qu’une femme libanaise, un an après le décès de son mari étranger, puisse donner la nationalité libanaise à ses enfants mineurs. Car il n’est pas possible que la loi ait donné plus de droits à la femme étrangère naturalisée qu’à la femme libanaise », a précisé John Azzi.
Par sa décision, le juge a indiqué avoir utilisé le pouvoir discrétionnaire qui lui est accordé lors d’un vide au niveau de la loi. « J’estime qu’il y a jurisprudence », a-t-il affirmé. La réaction des détracteurs de John Azzi ne s’est alors pas fait attendre. « Cette réaction a pris la forme d’une campagne malveillante », n’a pas pu s’empêcher de dénoncer Nizar Saghiyeh. Sous prétexte que selon la loi libanaise, la nationalité libanaise ne peut être transmise que par l’homme, aussi bien à son épouse, si elle est étrangère, qu’à ses enfants. Le jugement a donc été cassé en cour d’appel. Le dossier de Samira Soueidan est aujourd’hui entre les mains de la Cour de cassation.
Évoquant cette période comme une « des plus pénibles » de sa carrière, le juge Azzi a dit n’avoir fait que son devoir, face à l’injustice qui touchait Mme Soueidan. « Je suis conscient que d’autres refusent ce que je considère être un droit. Mais j’ai agi selon mes convictions et contre l’injustice », a-t-il observé, tout en précisant qu’entre « la chaise » ou ses convictions, il a fait son choix. « Je ne choisirai jamais d’être injuste, je préfère être moi-même victime d’injustice », a-t-il conclu.

L’espoir des femmes
Tour à tour, trois intervenantes, militantes pour les droits de la femme, Lina Abou Habib, présidente de la campagne « Ma nationalité, un droit pour moi et ma famille », Zoya Rouhana, présidente de KAFA qui lutte pour la protection de la femme contre la violence domestique, et Saada Allaw, journaliste au quotidien as-Safir, ont salué la décision du juge Azzi, mais aussi son courage. « Ce jugement n’était pas seulement courageux, mais il a donné de l’espoir aux femmes », a observé Mme Abou Habib. Si les obstacles demeurent nombreux pour que la femme libanaise ait le droit d’accorder sa nationalité à sa famille, « le projet d’amendement de cette loi est actuellement discuté en commission ministérielle. Ce qui représente déjà une avancée », a-t-elle estimé.
De son côté, Zoya Rouhana a dénoncé « la schizophrénie qui caractérise le système politique libanais, entre un régime démocratique et une quasi-dictature au niveau du statut personnel ». « Nous n’avons pas le choix. Nous devons appartenir à des communautés. Nous devons aussi subir les décisions de juges mis en place sur base de leurs confessions, mais qui n’ont aucune qualification en matière de statut personnel », a-t-elle regretté. Parmi les dossiers qui souffrent de cette réalité, elle a cité ceux relatifs à la nationalité et à la violence domestique.
Enfin, Saada Allaw a salué « l’engagement et la persévérance » de la société civile dans sa lutte pour obtenir à la femme libanaise le droit de transmettre sa nationalité à sa famille. Et ce, malgré l’annulation par l’État du jugement de John Azzi. Elle a regretté que l’implantation palestinienne soit utilisée comme épouvantail par certaines parties politiques pour ne pas donner à la femme ce droit. La journaliste a toutefois déploré « le manque d’unité dans les revendications des associations féministes et de la société civile ». « Or ces droits ne font qu’un et ne sont pas divisibles », a-t-elle martelé, tout en dénonçant les propos discriminatoires de certains hommes politiques qui considèrent les revendications féministes comme étant... « du culot ».
Dans l’assistance, qui a participé avec entrain au débat, une femme, Samira Soueidan, déterminée à ne pas baisser les bras.

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