The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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August 14, 2014

L'orient le jour - À Hamra, 27 hommes arrêtés dans un hammam en raison de leurs orientations sexuelles, August 14, 2014



Béchara Maroun




« Au poste de police de Hobeiche, ils leur ont demandé avec qui ils couchaient et s'ils aimaient les hommes. Le test anal n'a pas été effectué, mais il paraît que l'ensemble des 27 détenus ont avoué être homosexuels », raconte un activiste de l'ONG Helem à « L'Orient-Le Jour ».




Non. L'État n'a que faire de Daech et des islamistes qui guettent le Liban aux frontières en attendant le moment propice pour s'y implanter. Il n'a que faire des dizaines d'automobilistes qui trouvent la mort chaque jour sur des routes qui, pour le moins qu'on puisse dire, sont en piteux état. Il n'a que faire, bien évidemment, des milliers de réfugiés qui accourent au Liban sans qu'on puisse en contenir le flot et qui constituent une véritable bombe à retardement. Il n'a que faire de ces échéances constitutionnelles rayées du calendrier il y a bien longtemps. La grille des salaires et la grève des enseignants sont, soudainement, devenues des soucis moindres que rien ne presse de régler. À tel point que l'État, cette semaine, a décidé de lancer une chasse aux homosexuels, digne de l'ère du maccarthysme !


Samedi, dans les détails, une patrouille des forces de l'ordre a perquisitionné Hammam el-Agha, un hammam situé à Verdun derrière l'hôtel Bristol, et connu pour être l'un des trois hammams fréquentés par des homosexuels au Liban. « Alertées » par le caractère « gay » de ce lieu ouvert depuis plus de deux ans, les forces de l'ordre y ont arrêté samedi soir 27 hommes, soit l'ensemble des personnes qui y étaient présentes, parmi lesquels le propriétaire du hammam, les employés et les clients. Jusqu'à hier dans l'après-midi, les 27 interpellés étaient encore en garde à vue plus de 4 jours après leur arrestation, avant qu'une source de sécurité n'assure en soirée à L'Orient-Le Jour que 27 mandats d'arrêt ont été émis à leur encontre et que leur dossier a été déféré devant le parquet.


« Comme tous les hammams du Liban, ceux des homosexuels et ceux des hétérosexuels, Hammam el-Agha offre des massages, des séances de sauna, de jaccuzi, de traitement de la peau, mais aussi des faveurs sexuelles quand on paie un "extra", confie Ahmad Saleh, activiste de l'ONG Helem, à L'Orient-Le Jour. Les hammams fréquentés par les homosexuels ne sont pourtant pas nombreux et Hammam el-Agha fait partie de ces lieux "gay-friendly" qui ouvrent quelques jours de la semaine pour les femmes et d'autres jours pour les hommes, généralement des homos. Ces lieux font partie du paysage libanais et de la société depuis longtemps. »

« Êtes-vous gay ? Répondez ! »
Évoquant l'arrestation des 27 personnes samedi, Ahmad Saleh a assuré que l'ONG Helem, qui s'occupe des droits de la communauté homo, a pu contacter quelques-uns de ces détenus. « Les familles et proches de certains de ces hommes ont constaté leur disparation durant le week-end puisqu'ils n'ont pas été alertés par les forces de l'ordre, explique-t-il. C'est alors que certains ont tenté de suivre les traces de leur fils et ont su de leurs amis qu'ils s'étaient rendus samedi à Hammam el-Agha. Et ce n'est que lundi que nous avons tous su que ces 27 hommes ont été arrêtés. Nous nous sommes alors rendus au poste de police de Hobeiche où ils sont détenus. Et l'on refuse toujours de nous révéler l'identité de ces hommes, même si certains d'entre eux n'ont apparemment pas de proches qui demandent de leurs nouvelles. »


À Hobeiche, les officiers ont interrogé les détenus. « Nous avons su que les questions étaient axées sur leurs orientations sexuelles, raconte Ahmad Saleh. Ils leur ont demandé avec qui ils couchaient et s'ils aimaient les hommes. Le test anal n'a pas été fait, mais il paraît que l'ensemble des 27 détenus ont avoué être homosexuels. Si la loi 534 du code pénal libanais punit certains actes qualifiés de "contre nature", elle ne punit pas l'orientation sexuelle, et les détenus ne sont de ce fait pas condamnables, puisque aucun n'a été saisi en flagrant délit. Cette maudite loi qu'on tente d'amender est donc elle-même appliquée de manière fausse. Le procureur général près la cour d'appel, Bilal Dennaoui, nous a de son côté assuré que les détenus ne seront pas jugés selon la loi 534, mais selon la loi 521 pour atteinte aux bonnes mœurs, qui reste une accusation très floue. »


Estimant que les deux chambres du poste de police de Hobeiche ne sont pas une place convenable pour y arrêter pendant plusieurs jours 27 personnes, Ahmad Saleh a enfin assuré que les détenus sont dans une situation psychologique difficile, « surtout qu'ils ne savent pas ce qui se passe ». « On veut nous faire croire qu'ils viennent d'être alertés sur les activités de Hammam el-Agha, mais tout le monde sait depuis longtemps quel genre de lieu c'est, conclut l'activiste. Il s'agit sûrement d'un prétexte pour fermer le lieu, une magouille financière pour soutirer quelques sous comme c'était le cas du club Ghost fermé à Dekouané il y a un an... »

Inspection des téléphones et arrestation pour « pédérastie »
Contactée par L'Orient-Le Jour, une source haut placée au sein des Forces de sécurité intérieure a pour sa part assuré que l'institution avait tenté de garder l'affaire sous silence par respect pour les détenus. « C'est l'ONG Helem qui a rendu l'affaire publique », a ajouté la source qui a assuré que des mandats d'arrêt ont été émis à l'encontre des 27 détenus pour « pédérastie » (« Liwat », et donc selon la loi 534, NDLR). « En tout cas, nous ne sommes pas fans de ce genre d'affaires et nous n'avons pas le temps pour ce genre de choses, mais nous avons reçu un ordre du procureur général près la cour d'appel et avons été obligés d'obéir aux ordres. » Et d'ajouter : « Nous ne faisons pas de perquisitions pour arrêter les homosexuels, mais lors d'un interrogatoire une personne a fait des aveux concernant Hammam el-Agha et c'est alors que le procureur général a requis une perquisition. Nous croyons personnellement que ce sont des choses qui font partie des libertés individuelles, mais que les homosexuels s'adonnent à leurs activités sexuelles dans leurs maisons ! Il est peut-être temps aussi de changer cette loi 534 qui les condamne... »


Sur un autre plan, la source a assuré que les détenus ont été « incriminés » en raison du contenu de leurs téléphones portables, notamment des photos et films pornographiques gays, et que deux d'entre eux étaient en possession de substances illicites. « Nous n'avons pas effectué le test anal ; cela est illégal », a ajouté la source des FSI, qui a assuré que « les détenus seront probablement libérés sous caution par le juge qui sera plus flexible dans ces choses-là que le procureur général ». « Où voulez-vous que je les mette en tout cas ? Nos prisons sont fully-booked », a-t-elle ajouté.




Des affirmations qui certifient que la loi 534 est encore en application au Liban, d'une manière ou d'une autre, et qu'elle est utilisée pour condamner l'orientation sexuelle et non pas seulement les actes de sodomie comme le stipulent les textes. Et si de nombreuses ONG et l'Association médicale libanaise pour la santé sexuelle ont appelé à la libération immédiate des 27 hommes, plus d'une question se pose toutefois dans un pays où l'on oblige un homme à avouer qu'il est gay et qu'on le condamne. Un pays où les orientations sexuelles sont réprimées, à l'heure où elles devraient au contraire être plus tolérées face à l'offensive extrémiste moyenâgeuse qui menace le Liban. À chacun son Daech !

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