The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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June 18, 2015

L'orient le jour - L’illégalité du tribunal militaire sous la loupe de lAgenda juridique, June 18, 2015



Sandra Noujeim




Dans le cadre des conférences que l'Agenda juridique (al-Moufaqira al-qanouniya) tient mensuellement pour éclairer, par le droit, un problème politique ou sociétal, ce centre de recherche a placé récemment dans son collimateur le tribunal militaire. Au cours de sa dernière conférence en date, la première qui se tient dans le cadre apaisant (pupitres juxtaposés aux nuances vert clair) de la bibliothèque tout juste inaugurée dans ses locaux de Badaro, l'Agenda juridique a disséqué les éléments de l'illégalité, très souvent manifeste, du tribunal militaire. Elle a appelé dans ce cadre, non pas à l'annulation de ce tribunal, mais à l'abrogation de sa compétence à juger un civil.

Cette question a aussi pour objectif de « séparer le débat, relancé parl'affaire Michel Samaha, des tiraillements politiques », selon le directeur de l'Agenda juridique, l'avocat Nizar Saghiyeh. C'est pour profiter de cette relance que l'Agenda juridique a disséqué les failles du tribunal militaire, préalable nécessaire à une réforme efficace. En filigrane de la conférence, le souvenir de Nour Merheb, activiste pacifiste, décédé en 2011, qui avait fait une grève de la faim en 2010, en réaction à l'insupportable injustice du tribunal militaire.
Dans un exposé condensé, la juriste et chercheuse Myriam Mehanna a démontré que le tribunal militaire viole le « droit à un procès équitable », dans ses deux volets : l'indépendance de la juridiction, et les « garanties procédurales » des droits des justiciables.

Violation de l'indépendance de la justice
Dans le principe d'abord, le tribunal militaire « contredit le principe du juge naturel, c'est-à-dire le droit des justiciables, pour des affaires identiques, de comparaitre devant la même juridiction, selon la même procédure, et d'être jugés en vertu des mêmes lois », explique la jeune juriste. Or, la compétence du tribunal militaire est « fixée en fonction de la qualité du plaignant, ce qui est une dérogation au principe du juge naturel ». Pour simplifier, un accident de la route, censé relever des tribunaux ordinaires, est examiné par le tribunal militaire du seul fait que l'une des victimes est un militaire.
Il est aussi un élément moral qui fragilise l'égalité de tous devant la justice : « Un tribunal créé pour servir une catégorie définie de personnes, en l'occurrence les militaires, ne peut inspirer confiance aux non-militaires. »
Et rien, dans sa formation, ne tend à apaiser ces craintes : la composition des chambres montre « une hégémonie de la présence militaire », accentuée par le fait que la loi « n'exige pas que les officiers membres ou présidant les chambres soient détenteurs d'une licence en droit ». Les deux chambres de cassation du tribunal militaire qui statuent respectivement sur les crimes et sur les délits sont présidées par un juge civil, le reste des membres sont des officiers. Le juge de première instance, juge unique, est un militaire.
Les chambres permanentes du tribunal sont présidées par un officier et formées d'un juge, et d'un officier (pour les délits) ou de trois officiers (pour les crimes), ces officiers devant être de « grade inférieur au grade du président ». « Comment s'attendre à ce qu'un officier membre du tribunal exerce indépendamment sa fonction lorsque le tribunal est présidé par son supérieur hiérarchique, dans un domaine où le maître mot est l'obéissance aux ordres ? » s'interroge Myriam Mehanna. « Même si la diversité au sein d'une même chambre est une garantie de neutralité, la pratique dénature le principe », ajoute-t-elle.

Violation du principe du contradictoire
Elle relève en outre une « atteinte claire à la séparation des pouvoirs » par l'article 36 de la loi sur la justice militaire. « Dans certains cas énumérés limitativement par le texte, le commissaire du gouvernement près le tribunal militaire (qui relève du cadre judiciaire civil) ne peut engager des poursuites sans l'accord préalable du commandement de l'armée », indique-t-elle. En outre, la décision du juge d'instruction militaire n'est pas passible d'appel, « ce qui ôte toute garantie à l'obligation pour le juge de motiver son jugement ».
Le tribunal déroge d'une manière flagrante aux principes du procès équitable, à commencer par le principe du contradictoire. « Un civil n'a pas le droit de se constituer partie civile devant le tribunal militaire, bien qu'il soit lié par le jugement ». Son droit à la défense est également bafoué. L'article 58 de la loi sur le tribunal militaire prévoit un délai de 24 heures au moins, avant l'audience, pour remettre à l'avocat de la défense le dossier du plaignant. C'est-à-dire que, le plus souvent, « il ne dispose que de 24 heures pour préparer sa défense », explique la chercheuse. L'article 59 de la loi sur le tribunal militaire de 1968 donne le droit au président du tribunal d'interdire l'entrée au tribunal, pour une durée maximale de trois mois, d'un avocat de la défense qui aurait commis « une erreur de conduite grave avant ou au cours des audiences ». Il s'agit, selon la juriste, de « la disposition la plus dangereuse de la loi ». Non seulement elle affaiblit le droit de la défense, au gré de la discrétion du tribunal militaire, mais elle « porte atteinte à l'immunité de l'avocat et à la compétence exclusive de l'ordre des avocats dans l'appréciation des erreurs de conduite de ses membres », conclut-elle.



Deux courants de réforme
L'avocat Majed Fayad, ancien candidat aux législatives, relève l'existence de « deux logiques de réforme du tribunal militaire » : l'une préconise « l'élargissement des voies de recours des civils devant le tribunal, c'est-à-dire, en pratique, l'élargissement des compétences du tribunal » ; l'autre, au contraire, tend vers « une restriction du domaine de compétence du tribunal militaire, étant donné qu'il s'agit d'une juridiction exceptionnelle, devant se limiter strictement à son domaine d'action, en l'occurrence les crimes de nature strictement militaire ». Appuyant le second courant, Majed Fayad, qui suit de près les travaux de la commission de modernisation des lois, a estimé que le projet de réforme du tribunal militaire, en cours d'élaboration au ministère de la Justice, « est une initiative courageuse qui va dans ce sens ». Le ministre de la Justice Achraf Rifi a indiqué à L'Orient-Le Jour que le projet doit voir le jour dans les trois prochaines semaines

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