The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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May 4, 2015

L'orient - Les employées de maison étrangères unies face aux abus, May 04, 2015



Marie Tihon




Toutes les communautés sont représentées et crient en chœur : « Nous voulons notre liberté, rendez-nous nos passeports confisqués. » Elles entament des danses et marchent d'un pas décisif au « nom de la justice, de l'égalité et de la dignité », clament-elles tout en agitant des banderoles aux slogans plus percutants les uns que les autres. « Arrêtez de nous tuer », peut-on lire sur une pancarte. Entre les grands axes qui séparent le quartier de Cola à Hamra, il régnait hier matin une atmosphère bien particulière en ce week-end de célébration de la fête du Travail.

Des drapeaux de toutes les couleurs et des visages déterminés ont défilé ainsi dans les rues de Beyrouth à l'occasion de la marche pour les employées de maison migrantes. « Nous sommes rassemblées aujourd'hui pour représenter le syndicat des travailleurs domestiques au Liban et nous demandons que le gouvernement libanais reconnaisse notre union », déclare Anna, toute vêtue de rouge, en arborant fièrement un badge de la Fédération nationale des syndicats des ouvriers et des employés au Liban (Fenasol). Elle ajoute : « Trop de gens ont souffert et c'est pour cela que chaque année nous marchons pour le respect de nos droits, même si rien ne change ! »



Qu'elles viennent des Philippines, du Kenya, de l'Éthiopie, du Sri Lanka ou encore du Bangladesh, ces femmes sont toutes animées par la même motivation : s'unir « pour triompher », chantent-elles joyeusement. Anita, originaire de Madagascar, explique que « nous faisons cela pour que les autres filles qui sont enfermées au travail soient libres ». D'autres, comme cette jeune femme sénégalaise, sont là pour décrire leur calvaire : « J'ai été enfermée pendant deux ans, on m'a pris mon passeport, et quand la famille partait, elle prenait la clé et me laissait dans la maison parfois sans eau. Quand j'étais malade, je ne recevais aucun médicament », dit-elle. C'est le cas aussi de Roja Maya qui a beaucoup souffert quand elle est arrivée au Liban il y a douze ans : « Je suis là pour dire que ça suffit, nous sommes des êtres humains qu'il faut respecter et c'est pour cela que l'on se bat aujourd'hui ! » affirme-t-elle pleine d'espoir.

« Nous sommes des travailleurs, pas des esclaves »

« Nous sommes des employés rémunérés et nous méritions de meilleures conditions de travail » est le principe fondamental qui a donné naissance au syndicat des travailleurs domestiques, en janvier dernier. Il représente « un premier pas vers la résolution des problèmes et le relèvement des défis liés à nos mauvaises conditions de travail et de vie. Il s'agit de l'unique cadre démocratique qui nous permettra d'échanger collectivement sur notre situation et d'identifier des solutions socio-économiques », relève Rose, originaire du Cameroun et membre du syndicat, lors du discours de clôture de la marche. Elle poursuit :
« Certains déclarent que nous n'avons pas le droit de créer notre syndicat, nous répondons fermement que le Liban est un pays démocratique et qu'il s'est engagé à respecter les conventions internationales relatives aux droits de l'homme. »

Et d'ajouter : « En conséquence, nous demandons au gouvernement libanais de respecter notre droit à l'organisation syndicale, basé sur la Convention numéro 87 de l'Organisation internationale du travail (OIT). » Les membres du syndicat des travailleurs domestiques réclament également que le gouvernement libanais ratifie et applique la Convention numéro 189 de l'OIT qui établit les premières normes internationales en vue d'un travail décent pour les employés de maison à travers le monde.

À cette nouvelle revendication s'ajoutent d'autres requêtes en faveur des 250 000 employés de maison qui travaillent au Liban. Premièrement, trouver une alternative à la « kafala », ce système de parrainage qui fait de l'employeur le garant légal de l'employée de maison et qui expose ces femmes venues travailler au Liban aux risques d'exploitation. Ensuite, garantir aux employés domestiques des droits fondamentaux du travail : le droit de démissionner, d'avoir des horaires de travail et de repos fixes, d'avoir un jour de libre hors de la maison, etc. Enfin, mener des investigations rigoureuses en cas d'abus, de suicide ou de mort.

Un syndicat non reconnu



Rose fait partie des 400 membres qui travaillent bénévolement dans les bureaux de Fenasol au développement de ce syndicat depuis plus de deux ans. « Ce ne sont pas les femmes qui sont enfermées à la maison qui peuvent mener ce combat », fait-elle remarquer. Chaque semaine, elle prend en charge de nouvelles victimes, les écoute et les redirige vers des organisations non gouvernementales pour trouver des solutions spécifiques à leur cas. Rose ne comprend pas pourquoi le gouvernement ne souhaite pas reconnaître ce syndicat créé « pour que l'on puisse pleurer ensemble », dit-elle. D'autant que « la reconnaissance de notre syndicat permettrait à ces femmes de pouvoir porter plainte et de négocier plus fermement avec les autorités », souligne-t-elle.

Castro Abdallah, secrétaire général de la Fédération nationale des syndicats des ouvriers et des employés au Liban, était présent tout au long de la marche pour veiller à sa bonne organisation. Il rappelle lui aussi l'importance de l'existence d'un syndicat pour protéger les travailleurs domestiques migrants : « Nous, les membres de Fenasol, nous considérons que c'est notre devoir de les aider dans leur combat et de nous unir à leur cause », note-t-il. Il déplore toutefois l'absence de négociations en cours avec le ministre du Travail, Sejaan Azzi, et son refus catégorique de reconnaître le syndicat. Castro Abdallah précise qu'en attendant, « on entame le dialogue avec d'autres parlementaires », qui semblent être plus enclins à leur cause.

À Hamra, la marche prend fin sur un parking et se transforme rapidement en un spectacle dansant haut en couleur. Au cœur des festivités, Gemma Justo, militante pour les droits des travailleurs domestiques depuis de nombreuses années, est ravie du succès de l'événement : « Il y a eu beaucoup plus de monde cette année, il semblerait qu'une réelle prise de conscience soit en train de se faire », dit-elle.

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