TSL : François Roux presse les autorités de coopérer au plus tôt avec la défense
Jeanine JALKH
Le chef du bureau de la défense du TSL souhaite une coopération rapide des autorités libanaises afin de ne pas retarder le travail de la défense. À défaut, elles pourraient être tenues responsables pour tout retard dans l’enquête et, par conséquent, dans le lancement du procès.
À peine terminée la conférence de la mise en état, suivie par le débat public devant les juges de la chambre d’appel du Tribunal spécial pour le Liban sur les questions de la compétence et de la légalité de ce dernier, le chef du bureau de la défense, François Roux, débarque à Beyrouth pour une mission précise : rappeler aux autorités libanaises leur devoir de coopérer avec les équipes de défense, et leur signifier l’urgence qu’il y a désormais à mettre les bouchées doubles surtout qu’une date provisoire pour le début du procès a été déterminée par le juge de la mise en état. Un rendez-vous qui peut certes être repoussé pour des motifs sérieux et défendables devant l’arbitre suprême que représente Daniel Fransen, mais qui néanmoins sert de date référence sur base de laquelle les parties devront justifier tout retard pour le début du procès.
C’est cette raison qui justifie en partie la visite qu’effectue actuellement au Liban M. Roux, qui doit se rendre incessamment auprès du ministre de la Justice, Chakib Cortbaoui, afin de le relancer sur la question de la coopération.
Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, le chef du bureau de la défense, qui a eu le temps déjà de rencontrer « des diplomates », explique qu’« il est absolument important que la coopération, qui a été mise en route avec le protocole d’accord (signé entre le Liban et la défense), puisse se réaliser concrètement et dans des délais rapides. Les avocats de la défense sont eux-mêmes soumis à des délais très courts pour faire leur travail. lls sont inquiets de devoir respecter ces délais », a insisté M. Roux.
Rappelons que devant le retard mis pas les autorités libanaises à réagir aux requêtes et demandes d’informations formulées par les équipes de défense, celles-ci ont fini par demander au juge de la mise en état, la semaine dernière, d’intervenir pour envoyer aux autorités libanaises une ordonnance contraignante les rappelant à l’ordre.
« Les autorités libanaises n’ont fourni, jusqu’à présent, qu’un semblant de collaboration en accusant réception des lettres (envoyées par la défense, NDLR) et en répondant de manière superficielle à certaines, mais sans réellement coopérer », avait déclaré l’un des avocats de la défense, David Young.
Prié d’expliquer les raisons, notamment politiques s’il en est, qui seraient selon lui derrière ce retard, François Roux répond : « Moi, je n’explique pas. C’est le ministre qui certainement a ses raisons (...). Ce que je comprends, c’est que les questions qui lui sont posées sont des questions techniques qui demandent des réponses qui sont quelquefois complexes, notamment les questions posées au ministre des Télécoms », Nicolas Sehnaoui, auquel la défense avait soumis des demandes concernant son département.
Et le chef du bureau de la défense d’ajouter : « Je n’ai aucune raison de penser qu’ il y a des problèmes politiques. Ce que je souhaite, c’est que l’on ne reste pas au niveau de la théorie. Il faut que ce protocole soit exécuté dans des délais raisonnables parce que sinon cela retardera le procès. Personne n’a intérêt à le faire (...) d’autant qu’il en sera porté responsable. Cela s’applique également au procureur qui n’a pas communiqué à la défense les documents requis. »
M. Roux tient d’ailleurs à signaler au passage que tant que le bureau du procureur n’a pas encore remis la totalité des pièces à la défense, celle-ci ne pourra pas commencer son enquête. Le message vaut également pour les autorités libanaises, laisse-t-il entendre à plus d’une reprise.
Revenant sur la date du début du procès, M. Roux affirme : « Il ne faut pas seulement parler de la date de l’ouverture du procès mais aussi de sa clôture. Cela ne sert à rien de vouloir commencer le procès très tôt si personne n’est prêt, ce qui signifie que le procès va prendre plusieurs mois, voire plusieurs années. Je pense qu’il vaut mieux démarrer un peu plus tard lorsque tout le monde sera prêt, quitte à ce que le procès soit plus court. »
Prié de commenter les propos tenus récemment par le ministre du Travail, Sélim Jreissati, un collaborateur du bureau de la défense, qui avait affirmé que le « TSL s’est essoufflé et se dirige vers une impasse », M. Roux a tenu à préciser que M. Sélim Jreissati « n’est plus directement consultant puisqu’il est actuellement ministre ».
S’abstenant de rentrer dans les « détails » de la relation professionnelle qui lie l’actuel ministre à la défense en général, M. Roux insiste qu’en sa qualité officielle au sein du gouvernement libanais, M. Jreissati ne peut plus être sollicité pour des consultations, mais qu’il reste néanmoins un « ami » qu’il rencontrera dans les prochains jours.
Le fait que M. Jreissati, un ancien collaborateur de l’institution, remette en cause l’efficacité du TSL en soulignant qu’il se trouve dans une impasse n’embarrasse-t-il donc pas la défense ?
À cela, François Roux répond : « Il a sa liberté de parole. Je pense qu’il n’y a rien de neuf sur ce qu’il a déjà dit à propos du tribunal. C’est pour cela d’ailleurs que c’était intéressant d’avoir des contacts avec lui. »
Adressant un message indirect au Hezbollah, qui se trouverait, d’après M. Jreissati, face à une « équation difficile » à savoir que, d’une part, il s’estimait non concerné par le TSL mais qu’il souhaiterait en même temps prouver l’innocence de ses quatre membres, M. Roux affirme : « Le Hezbollah avait accepté à un moment de répondre aux questions du procureur. J’ai toujours dit pourquoi le procureur, surtout que nous sommes dans un système où il n’y a pas de juge d’instruction. Si le Hezbollah souhaite donner des informations, je souhaite qu’il les donne à la défense. »
Pourquoi en invoquant l’illégalité et la non-compétence du TSL dans l’affaire Rafic Hariri l’une des équipes de défense, qui a invoqué la politique des deux poids, deux mesures de la justice internationale en parlant des crimes commis par Israël et d’autres crimes commis dans le monde, n’a jamais mentionné ou fait état des crimes répertoriés en Syrie depuis un an ?
À cette question, le chef du bureau de la défense se contente d’une réponse lapidaire, et on ne peut plus diplomatique : « Je ne sais pas ce que font les avocats (de la défense). Ils évoquent les points qui leur paraissent pertinents pour la cause qu’ils défendent. Peut-être estimaient-ils qu’il faut afficher sur ce point une distanciation positive, comme le dit le Premier ministre libanais. »