The Lebanese Center for Human Rights (CLDH) is a local non-profit, non-partisan Lebanese human rights organization in Beirut that was established by the Franco-Lebanese Movement SOLIDA (Support for Lebanese Detained Arbitrarily) in 2006. SOLIDA has been active since 1996 in the struggle against arbitrary detention, enforced disappearance and the impunity of those perpetrating gross human violations.

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November 22, 2010

L'Orient le Jour - The modifications introduced in the rules by STL judges cause local jurists to be divided - November 22, 2010

Les modifications apportées, le 10 novembre, par les juges du TSL au Règlement de procédure et de preuves ont suscité, comme on pouvait s'y attendre, des réactions houleuses au sein de certains milieux judiciaires libanais proches du 8 Mars. Sans pour autant être applaudis par les juristes du camp opposé, ces amendements risquent encore de faire couler beaucoup d'encre en attendant de suivre leur champ d'application et leurs effets une fois le procès entamé.
Les modifications apportées le 10 novembre par le Tribunal spécial pour le Liban au Règlement de procédure et de preuves dans l'affaire de l'assassinat de l'ancien Premier ministre Rafic Hariri portent sur plusieurs aspects procéduraux, les plus importants étant notamment ceux relatifs à la question de « la recevabilité de déclarations et de dépositions écrites », ou encore à « l'annonce publique de l'acte d'accusation, lorsque des tentatives raisonnables ont été faites pour signifier à l'accusé l'acte d'accusation, la citation à comparaître ou le mandat d'arrêt », et que celles-ci ont échoué.
Ce dernier dispositif, notamment, est-il à même d' « instaurer une plus grande certitude juridique pour l'accusé ainsi que pour les autres parties à la procédure », comme le précise le communiqué du TSL ? D'autant que les mesures pratiques de l'annonce publique mises en œuvre sont susceptibles de déclencher une procédure par défaut (par contumace) que contestent certains juristes libanais.
Le professeur et expert en droit international, Hadi Rached, tout en reconnaissant que le droit pénal libanais admet les procès par défaut, rappelle que tout jugement par contumace suppose que le suspect qui n'a pas pu être arrêté « est déclaré coupable en son absence, ce qui est tout à fait contraire au principe de la procédure contradictoire qui illustre la tendance actuelle dans tous les tribunaux du monde ».
M. Rached va même plus loin en dénonçant le principe même de la prérogative accordée aux juges du TSL de mettre en place les Règles de procédure et de preuves, une mesure qui, selon lui, est en contradiction totale avec « la règle de la séparation des pouvoirs, selon laquelle le législateur formule la loi et les juges l'appliquent ». Et de s'interroger : « Comment pouvoir défendre un accusé si les juges passent leur temps à changer à leur guise et comme ils l'entendent, le règlement ? » 
Le juriste conteste également le principe de la « déposition faite par écrit, en l'absence du témoin », puisque cette mesure va également « à l'encontre de la procédure contradictoire ». Selon lui, c'est l'exemple type d'une modification qui a été faite « sur juste mesure », de manière à convenir les requis de l'enquête du procureur. 
Ceci n'est toutefois pas l'avis du professeur de droit international Chafic el-Masri, qui, tout en rappelant que « le principe de l'admissibilité des dépositions écrites figure également dans le code de procédure pénal libanais », tient à faire remarquer que les dépositions écrites restent soumises à l'appréciation du juge, qui peut les prendre en compte ou les rejeter. Qui plus est, rappelle le professeur Masri, les articles 154, 155 et 156 des Règles de procédure et de preuves du TSL précisent comment et dans quelles conditions les déclarations et les dépositions écrites peuvent être admises. Le texte stipule notamment que les éléments de preuves présentés par écrit doivent avoir été « fournis par le témoin en présence des parties, qui ont eu la possibilité de l'interroger ou de le contre-interroger », ce qui, selon lui, réhabilite le principe de la procédure contradictoire. 
Quant au procès par défaut, il s'agit d' « un principe adopté par l'ensemble des tribunaux pénaux, car on ne saurait suspendre le procès si l'accusé ne se présente pas », dit-il. Le professeur tient à rappeler qu'un procès par contumace ne peut avoir lieu que « sous trois conditions : lorsque l'accusé a refusé de comparaître ; lorsqu'il en a été empêché par une tierce partie ; et lorsqu'il a assisté à une audience, mais n'a plus accepté de le faire pour les autres ». 
Quoi qu'il en soit, dit-il, un procès par défaut ne signifie pas pour autant que l'accusé sera privé de ses droits. « Dans un tel cas, toutes les garanties de la défense sont assurées et l'accusé pourra même bénéficier d'une aide judiciaire qui lui sera accordée par le TSL s'il n'a pas pu désigner lui-même un avocat de défense. » Pour M. Masri, « le fait que le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) ou les autres instances internationales ad hoc n'ont pas retenu le principe des procès par défaut ne signifie pas que c'est la règle ». « Les autres tribunaux sont nés dans des conditions tout à fait différentes et leur mandat n'est pas le même. Le TPIY est instauré depuis 1993 et poursuit ses activités à ce jour », a-t-il ajouté. Ce n'est pas le cas du mandat relativement court octroyé au TSL ( trois ans renouvelables sur base d'un nouvel accord entre le Liban et les Nations unies). Ainsi, dit-il, si l'accusé est retrouvé dix ou quinze ans plus tard, ce sera trop tard car le TSL ne pourra plus « rouvrir boutique » pour mettre la main sur l'accusé. 
Reste enfin le troisième amendement, à savoir « l'annonce publique de l'acte d'accusation », qui fait également l'objet d'une polémique entre juristes. Selon un avocat qui a tenu à garder l'anonymat, l'article prévoyant la possibilité d'annoncer publiquement via les médias l'acte d'accusation constitue une « diffamation » à l'encontre de l'accusé et « encourage la délation ». Rappelons au passage que l'article 76 bis prévoit que l'annonce publique est « une invitation à toute personne détenant des informations sur le lieu où l'accusé se trouve » de « les communiquer au tribunal ». En ce faisant, ajoute la source, le TSL prouve clairement « qu'il n'a pas confiance dans les autorités libanaises, puisqu'il s'adresse au citoyen en l'invitant à montrer du doigt l'accusé et non à l'État qui se trouve ainsi déresponsabilisé ». Une mesure qui, à défaut d'être exécutée, peut amener le président du TSL à saisir le Conseil de sécurité, assure la source. Celle-ci craint d'ailleurs que la pratique « de la délation » ne puisse montrer les citoyens les uns contre les autres, une situation d'autant plus délicate dans un pays où l'on craint de plus en plus une discorde sunnito-chiite. 
Le professeur Masri ne voit pas les choses du même œil et estime que cet avis est « plus politique que juridique ». Selon lui, cette mesure vise plutôt à faire porter directement la responsabilité à l'accusé pour le contraindre à comparaître devant l'instance internationale, épargnant ainsi à l'État le poids de l'arrestation, au cas où ce dernier s'avérerait incapable de le faire dans un premier temps. « D'ailleurs, tous les tribunaux internationaux recourent à cette procédure afin de contrecarrer l'argument selon lequel l'accusé n'a pas pu être prévenu », conclut le professeur.

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